La conception des peuples noirs de la mort et de l'immortalité

 

 

La vie et l'univers d'un peuple sont définis de la façon dont il s'occupe de ses morts, et du niveau dont il le place dans son système de référence métaphysique. Les Anciens Égyptiens avaient une conception complexe de la mort, ils l'identifiaient d'abord comme une séparation des éléments ontologiques ( comportement intellect, connaître dans leur généralité les qualités universelles et communes à toutes les choses...) et spirituels formant la base de l'être humain, le défunt correspondait au soleil nocturne qui meurt dans sa course pour renaitre chaque jour, et ce, éternellement. " Les Égyptiens qui faisaient coucher le soleil dans la terre, le faisant aussi sortir du Nun (Noun) considéré comme le ciel inférieur". Le Noun qui fut l'élément commun dans les différentes cosmogonies égyptiennes ( Thèbes, Memphis, Hermopolis, Héliopolis,...) est aussi représenté chez d'autres peuples d'Afrique noire.

Hokun ( eau abyssale) chez les Yoruba ou Olodumare ( divinité Androgine) sortit et se posa sur terre afin de créer d'autres divinités.

Chez les Peuls : Guéno ou Doundari sorti d'une goutte de lait ( considéré comme l'eau éternelle) contenant les quatre éléments primordiaux et ( le Ciel, la Terre, l'eau, le lait) formant le bovidé hermaphrodite, qui nous ramène à la grande hathor, vache céleste servant de demeure à Horus

chez les Dogons, décrite dans dieu d'eau de Marcel Griaule, la similitude frappante avec la cosmogonie hermopolitaine: même ogdoade et de divinité reptile dans les ténèbres, Amon égyptien, Amma Dogon, androgyne qui explique la séparation totale du sexe à la puberté par le biais de la circoncision et de l'excision.

Les traditions ancestrales Adja-Fon ( Bénin) font voguer la barque funéraire sur la " lagune de la mort " d'ou l'étymologie de Cotonou, localement appelé Ku tonu signifiant Ku la mort et tonu la lagune.

l'homme dans la conception égyptienne est issu de la communion de principes vitaux constitués d'un support matériel primordial, le corps, et de matières à caractère spirituel. La mort devient le lieu ou les principes constitutifs se détachent, mettant de ce fait le défunt dans l'etat d'Osiris aux membres disséminer,et afin de protéger le corps, les Égyptiens pratiquaient : la momification, des cérémonies funéraires ( rituels) pour simplifier le passage des éléments cosmiques dans l'eau delà avec la certitude de renaitre un jour.

La mort représentait pour les peuples noirs d'Afrique un passage, voyage ( entre le monde visible et invisible) de l'abysse ténébreux vers la transformation stellaire, plus précisément le mot passage  ne correspondait pas à une coupure, mais plutôt à l'allongement de la vie terrestre, ou le monde ( théâtre de la vie) était le lieu ou se jouait notre destiné. Pour les Égyptiens la mort est une crise durant laquelle le Ka ( le Ka : principe immortel qui rejoint la divinité au ciel après la mort ) quitte le corps, ils avaient la notion d'une étape de transition située après la mort, mais avant les rituels de résurrection dans l'eau delà. Dans cet espace, l'individu n'étant, ni mort ni vivant, le Ka se repose, ensuite vient l'invitation du défunt à travers des formules à sortir de son sommeil léthargique : " lève-toi sur ton côté ; commande, toi qui hais le sommeil et la fatigue (...) relève toi tu vis ", et l'âme se réveille, avant de prendre son essor, d'ouvrir la bouche, et les yeux, se retrouve dans l'immobilisme, la paralysie de la mort, qui est une période de germination (le lieu de germination de l'âme qui s'opère pendant qu'il est sous l'emprise de la mort est le sarcophage ( le lieu de purification d'Osiris), correspondant sensiblement sur le plan terrestre à l'incarnation de la vie à l'âge du nourrisson.

Contrairement aux peuples sémites et indo-européens, le défunt pour les Égyptiens n'était pas une ombre damnée dans l'Adès condamné à l'errance , mais plutôt un esprit béatifié,sacré, dans un univers stellaire dépossédé de toute souillure.

Ibis à Crète symbolise le rayonnement de l'esprit ressuscité

Socrate définissait la philosophie comme une " méditation sur la mort", nulle part au monde aucun peuple à part les anciens Égyptiens n'a su élaborer une métaphysique de la mort pendant plus de trois millénaires, en effet ils définissaient, dès l'ancien Empire le vocable AKHU ( KHU), comme l'esprit rayonnant et immortel du défunt par opposition au corps périssable et pourrissable. Le vocable Akhu était symbolisé par l'Ibis à crête ( originaire de la Somalie avec son plumage vert lumineux), oiseau brillant qui représentait la notion abstraite de l'immortalité. Il est important de signaler que  le vocable Akhu diffuse aussi l'idée de la mort dans de nombreuses langues Africaines noire, comme il est décrit dans le tableau ci-dessous (Ankh N°3),on retrouve pour la première fois le Khu dans les Textes des Pyramides gravées dans les tombes des pharaons Ounas de la Ve dynastie,Teti, Pepi II, VIe dynastie, que Serge Mayassis accorde l'origine au peuple Anou (Coush) : " les doctrines exposées dans les textes, ou les livres des pyramides et le livre des Morts sont des doctrines professées surtout par les Anous, soit de Nubie ( Coush), soit d'Égypte, comme doctrines héliopolitaines. A l'époque ou fut rédigé et rassemblé en un même corps le livre des pyramides, comme le livre des Morts, ces doctrines étaient si vielles enEgypte qu'on avait pris le parti de les amalgamer l'une avec l'autre, et cet amalgame est si bien fait que nous n'en pouvons voir le point de soudure, quoique nous sentions parfaitement qu'il y a eu soudure".

KWASIO

Yaku

astre lumineux

FANG

Ku

éclairer dans l'ombre

JUKUN

Akwa

personnification des Ancêtres divinisés( Benue-Congo)

SANGO

Kua

la mort

TEKE

Kua

mourrir (Benue-Congo)

MBOSI

Iku, Leku

la mort (Benue-Congo)

YORUBA

Iku

la mort ( Kwa)

BWITI

Kouck

l'esprit ( du défunt) (Benue-Congo)

NGBANDI

Kwa

la mort

BAMILEKE

Kui, Koui

la mort

FONGBE

Ku

la mort ( Kwa)

De telles similitudes ( même conception de la mort, croire à l'existence des revenants après avoir accompli le double voyage comme Osiris) ne peuvent s'expliquer qu'à une communauté d'origine.

Les Égyptiens définissaient l'être en quatre principes*:

1- le Zed ou Khet qui se décompose après la mort

2- le Ba qui est l'âme corporelle ( le double du corps dans le reste de l'Afrique Noire)

3- l'Ombre de l'être

4- le Ka principe immortel qui rejoint la divinité au ciel après la mort. Ainsi, chaque homme possède une parcelle de la divinité qui remplit le cosmos et le rend intelligible à l'esprit " Dieu à fait l'homme à son image" cosmogonie égyptienne. *Ainsi, est fondée sur le plan ontologique, l'immortalité de l'être ( trois milles ans avant la naissance des religions révélées).*Cheikh Anta Diop civilisation ou Barbarie.

Les quatre couples divins représentant les principes contraires de la nature et créateur des choses dans l'Ogdoade hermopolitaines*Cheikh Anta Diop civilisation ou Barbarie.

Khouk et Kouket

Les ténèbres primordiales et leur opposée: les ténèbres et la lumière

Noun et Nounet

les eaux primordiales et leur opposée: la matière et le néant

Heh et Hehet

l'infinité spatiale et son opposée: l'infini et le fini, l'illimité et limité

Amon et Amonet

le caché et le visible: le noumène et le phénomène.

Niaou et Niaouet

le vide et son opposé: le vide et le plein, la matière ( plus tard)

 

Similitude entre les Égyptiens et le peuple Adja-Fon du Bénin des éléments qui sont à la base de l'être humain, Ankh N°3:

Égypte

Définition

Bénin

Définition

Khat

le corps putrescible et corruptible

Agbaza

le corps qui se désagrège

Sahu

l'enveloppe spirituelle du corps

Outou

l'entité spirituelle qui entoure le corps physique

Khaibit

l'ombre du défunt qui sort du tombeau

l'ombre qui suit le corps

Ba

la force vitale qui protège la momie, l'âme volatile

Winsagu

l'âme vagabonde

Ka

la force vitale transcendante,réceptabledes énergies régénératrices

L'indon

la force ou énergie vitale

Akhu

l'esprit lumineux et impérissable du défunt

l'esprit immortel ayant la faculté de se transfigurer d'ou le sens esprit divin

Ib

la conscience intime, le siège de la pensée

la conscience

Sekhem

la puissance et la force à la fois destructives et régénératices

Honhnlon

la force qui protège ou détruit

Ren

le nom comme parole cachée qui révèle l'essence de l'être

Nyi

le nom qui révèle l'être

Autant de similitudes ne peuvent s"expliquer que part des contacts, très anciens entre ses populations noires que les évènements d'une histoire tragique ont écartées les unes des autres.

 

Les peuples sémites et Indo-européens (classifications culturelles) :

Pour les premiers Hébreux et les Assyro-Babyloniens : les morts n'ont ni mémoire et ni conscience ( Ecclésiaste 9:5) ( "Les vivants, en effet, savent qu'ils mourront; mais les morts ne savent rien; et il n'y a pour eux plus de salaires, puisque leur mémoire est oubliée."), la demeure de la mort " Shéol ", " Arallu " était considéré comme une prison ou les défunts erraient sans espoir, et condamnés dans un monde d'oubli et de silence. Dans Genèse ( 3: 19 ) ( "c'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'ou tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière".)pas de survie de l'âme après la mort, et c'est encore sous l'influence directe de l'Égypte d'Alexandrie IIe siècle av notre ère que l'on verra apparaître immortalité de l'âme dans la Bible hébraïque, " le problème de l'immortalité semble avoir agité l'esprit des juifs alexandrins.l'héritage des anciennes croyances égyptiennes en l'au-delà ( croyance que les prêtres égyptiens professaient encore à l'époque hellénistique) se combina avec les discussions philosophiques grecques sur la vie après la mort " cf Dictionnaire de la Bible et des religions 1985, S.A Brepols

Le cas des Indo-européens, était basé sur un destin pessimiste du devenir de la mort,en effet chez les Grecs, l'Hadès était un monde fermé et assombri, surveillé par un garde muni d'une clef, ou les morts erraient, et d'abominables scènes de torture et d'holocauste s'y produisaient " quand j'ai fait la prière et l'Invocation au peuple des défunts je saisis les victimes, je leur tranche la gorge sur la fosse ou le sang coule en sombres vapeurs et, du fond de l'Erèbe, je vois se rassembler les ombres des défunts qui dorment dans la mort ( femmes et jeunes gens (...) ces victimes d'Arès avaient encore leurs armes couvertes de leur sang. En foule, ils accouraient à l'entour de la fosse avec des cris horribles : je verdissais de crainte.Mais je presse mes gens de dépouiller mes bêtes dont l'airain sans pitié vient de trancher la gorge : ils me font l'holocauste en adjurant des dieux, Hadès le fort en la terrible Perséphone..." Homère Iliade, Odyssée,Bibliothèque de la Pléade 1955",  et c'est encore grâce à l'Égypte en plein déclin que Thalès, introduisit la conception de l'immortalité de l'âme, Pythagore après plus de vingt années d'études en Égypte, fût initié aux mystères, Platon (sur la philosophie) dans ces oeuvres, timée ( Platon utilise sans le citer toutes les idées égyptiennes à savoir : la composition du monde l'immortalité de l'âme, les quatre éléments " feu,terre,air,eau", la notion du temps, essence mathématique du monde conçue comme nombre pur...), le Phèdre, et le Phédon fait référence à l'Égypte...

En conclusion, nous constatons que  l'Afrique a été une source unique d'inspiration ou les religions ( Judaisme, Islam, Christianisme), les croyances métaphysiques Grecques ont puisées l'essentiel de leurs préceptes et spéculations relatifs à l'eau delà. Ce sont les Noirs Africains de la vallée du Nil ( Égyptiens et Nubiens anciens) qui ont soutenu que l'homme n'est pas que poussière en échappant à la désintégration biologique, car son essentiel est spirituel.

 

Cf: Obenga: origine commune de l'Égyptien ancien, du Copte et des langues Négro-Africaines, Ankh N°3 ( nous vous y invitons à vous abonner à la revue d'Égyptologie et des civilisations Africaines = ANKH), Adoukonou, la mort dans la vie Africaine, livre des morts S.Mayassis,Shenoc.

 

 shenoc le 26/12/2008

 

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