Gaston Monnerville

Dans l'histoire de France

Gaston Monnerville

 

Ce fils de fonctionnaire martiniquais est né le 2 janvier 1897 à Cayenne (Guyane). C'est à la faculté de Toulouse qu'il finira ses études dont il dira plus tard: "Le fils d'outre-mer que je suis doit tout à la République, c'est elle qui, dans ma Guyane natale, est venue nous apporter la dignité et la culture. C'est elle qui m'a tout appris et qui a fait de moi ce que je suis."

Une licence de lettres et un doctorat en droit en poche, Gaston Monnerville décide de devenir avocat. Il s'inscrit au barreau de Toulouse en 1918 et devient peu de temps après secrétaire de la Conférence des avocats à Paris. A Nantes, il défendra des "émeutiers de Cayenne" devant les assises et obtiendra leur acquittement. En 1932, il devient député de Guyane et maire de Cayenne, jusqu'en 1940. Pendant cette période, il sera aussi sous-secrétaire d'État aux Colonies. Il profite de son autorité pour faire fermer le bagne de Cayenne. Il obtiendra par la suite, le statut de départements pour la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion.

Cet engagé volontaire dans la marine, subira comme bien d'autres les contraintes qu'entrainent sa couleur de peau et de ce fait s'engagera dans la résistance qui le mènera à la tête d'un maquis de F.F.I. dans le Massif central. En 1944, il est élu à l'Assemblée consultative puis aux deux assemblées constituantes en 1945-1946, et devient sénateur de la Guyane en 1946. Il sera durant vingt-deux ans au palais du Luxembourg, dont vingt et un à la présidence de la Haute Assemblée.

Certes retiendra-t-on son opposition au général De Gaulle, mais sans oublier sa participation au retour au pouvoir de ce dernier. C'est en effet à lui, accompagné d'André Le Troquer, que l'on délèguera la lourde tâche d'aller rappeler le général à Colombey. La relation entre le président du Sénat et le général De Gaulle s'étiolera lorsque ce dernier refusera de solliciter l'investiture de son gouvernement.

 

L'affrontement entre les deux hommes devient inéluctable, lorsqu'en 1962 le général De Gaulle fait appel au référendum pour contourner l'opposition du Parlement à son projet de révision de la Constitution. A ce sujet, Gaston Monnerville s'exprimera en ces termes: "La Constitution est violée, le peuple est abusé. Ce n'est pas une République qu'on nous propose, c'est au mieux un bonapartisme éclairé." Il devient de ce fait l'ennemi politique du général qui fera contourner le Sénat à ses ministres, et tentera de faire disparaitre la Haute assemblée par un référendum en 1969. Il sera nommé en 1974 au conseil constitutionnel par Alain Poher, à qui il avait cédé sa place quelques années plus tôt à la tête de la Haute Assemblée.

Gaston MONNERVILLE décède le 7 novembre 1991.

Ci-dessous le parcours de Gaston Monnerville:

Action

Année

Licencié en Lettres

 

Docteur en Droit

 

Avocat Honoraire à la Cour d'Appel de Paris Ancien Secrétaire de la Conférence des Avocats Président de l'Association des Secrétaires et Anciens Secrétaires de la Conférence des Avocats

1963 - 1965

Député de la Guyane

1932 - 1946

Maire de Cayenne

1935 - 1940

Sénateur du Lot

1948 - 1974

Sous-secrétaire d'Etat aux Colonies

1937 et 1938

Délégué de la France à la Conférence du Pacifique (Bruxelles)

1937

Membre de l'Assemblée Consultative Provisoire

1944 - 1946

Membre de la première et de la deuxième Assemblée Nationale Constituante

 

Président de la Commission Nationale chargée de préparer le statut politique des pays français d'Outre-Mer

 

Délégué de la France à l'Assemblée des Nations Unies (Londres)

1946

Président du Conseil Général du Lot

1 951 - 1970

Maire de Saint-Céré (Lot)

1964 - 1971

Membre du Conseil de l'Université de Paris

01/1959 - 07/ 1968

Président du Conseil de la République, puis Président du Sénat

18/03/1947 - 2/10/196

Président du Sénat de la Communauté

1959 et 1960

Membre du Conseil Constitutionnel

03/1974 - 03/1983

Président Fondateur de " Liberté et Démocratie " (section française de " l'Internationale Libérale ").

 

 

 Ici ses décorations:

Croix de Guerre 1939-1945

Médaille de la Résistance avec Rosette

Chevalier de la Légion d'Honneur, à titre militaire en 1947

Officier de la Légion d'Honneur en 1983

Commandeur de l'Ordre des Arts et Lettres en 1985

 

 

 

Le 24 février 1950, M. Gaston Monnerville, Président du Conseil de la République, visite la Guyane.

Ci-dessous, un extrait de l'article du journal "Parallèles 5" d'avril 1950:

"24 février, 18 heures 45: le magnifique aérodrome de Cayenne Rochambeau connaît une animation inaccoutumée. Une à une, des voilures arrivent qui se rangent suivant les consignes des gendarmes et des policiers. Près de la piste un détachement de la Compagnie de la Guyane a formé les faisceaux. M. le Préfet de la Guyane et Madame Robert VIGNON, M. le Président du Conseil Général, Maire de Cayenne, et Madame BOUDINOT, entourés des membres du Conseil Général, de ceux de la Municipalité, de toutes les Autorités, des Maires et représentants de plusieurs communes rurales, sont venus accueillir à leur descente d'avion le Président du Conseil de la République et Madame MONNERVILLE.
Le groupe imposant des officiels se place perpendiculairement aux troupes. Le troisième côté du rectangle est garni de la fraîche cohorte des enfants des écoles et d'un groupe charmant de jeunes femmes créoles en costume du pays.
Un ronronnement lointain qui bien vite s'amplifie, des lumières vertes et rouges qui s'ajoutent aux étoiles et que rapproche chaque seconde, un long glissement souple sur le terrain: l'avion est là.

 
Le Président et Madame Monnerville, qu'accompagnent M. QUINTARD chef de cabinet et M. André MONNERVILLE descendent de l'appareil, tandis que retentissent les accents de la Marseillaise. Puis le Préfet et le Président du Conseil Général présentent au Président Monnerville chacune des personnalités; enfin une charmante Marianne remet au Président une gerbe de fleurs, et c'est avec une pointe d'humour et d'émotion que celui-ci l'embrasse comme le symbole même de la France sur notre vieille terre de Guyane. Dans la foule, des cris de joie éclatent un peu partout à l'adresse de l'illustre visiteur qui est un enfant du terroir: né à Cayenne, le Président Monnerville fit de brillantes études au Collège de cette ville, puis il obtint une bourse pour le lycée Bernuy de Toulouse, où il passa son baccalauréat. Poursuivant ses études, il fut étudiant en Droit et passa son doctorat à l'Université de Toulouse. Il s'inscrivit au Barreau de cette ville en 1918, puis au Barreau de Paris en 1921: c'est là qu'il obtint la charge particulièrement enviée et recherchée de Secrétaire à la Conférence du stage, place que les initiés savent réservée aux sujets les plus brillants et les plus dignes. Cette brillante carrière d'avocat devait préparer M. Monnerville à la vie politique: il fut élu pour la première fois au Parlement français en 1932.
En 1933, il fut élu Vice-président du parti Radical-Socialiste dont M. Edouard Herriot, Président de la première chambre du Parlement français était alors -comme il est encore- le Président.


En 1937, le Président Monnerville est Sous-secrétaire d'Etat aux Colonies et il fait partie de la délégation française à la Conférence du Pacifique qui eut lieu à Bruxelles cette même année après l'invasion de la Chine par les armées japonaises. Après avoir servi dans la Marine pendant la guerre, il ne se résigne pas à la défaite (provisoire), mais se joint au Mouvement de Résistance, et là aussi, se distingue. Le Président Monnerville représente ensuite la France à la première session des Nations Unies à Londres en 1946 et est élu, en décembre de la même année, Vice-Président du Conseil de la République qui venait d'être formé. En mars 1947, il devient le Président de cette Assemblée et a été depuis constamment réélu à ce siège.
Quelques instant plus tard, après qu'on eût passé en revue la troupe qui rendait les honneurs, le Président et Madame Monnerville saluèrent la foule venue les accueillir et montèrent dans les voitures qui leurs étaient réservées; spectacle inoubliable, fuyant le double phare tournant de l'aéroport, une caravane de plus de trente voitures suivait, en l'illuminant de ses feux, la route de rouge latérite qui saignait sur la brousse dans la nuit tropicale. Dès les faubourgs, la foule se pressait sur le passage du cortège irréel. L’accueil des Guyanais alla jusqu'au cœur du Président qui, du balcon de la Préfecture, sût le dire à la population en des termes émouvants et directs. Vivats et chansons fusèrent de toutes parts jusqu'à une heure avancée.


Le lendemain matin, le Président Monnerville accompagné du Préfet et du Président du Conseil Général, saluaient les couleurs, Madame Monnerville, Madame Vignon, M. Quintard et les autorités assistaient aussi à cette cérémonie. Puis le cortège officiel se rendit Place Schoelcher où des gerbes de fleurs furent déposées au pied du monument au Grand Français libérateur des Noirs. Entourée de voiles tricolores, une estrade était dressée, sur laquelle prit place le Président. En une allocution sobre et vigoureuse, M. Monnerville expliqua qu'il revenait d'Haïti où il avait été chef de la mission déléguée pour représenter la France lors de la célébration du second centenaire de la fondation de Port-au-Prince. Laissant dans cette République amie le Général d'armée BOUSCAT, ancien chef de l'aviation militaire française et actuellement chef de la Commission Culturelle en Haïti, le Président Monnerville s'arrêtait pour quelques heures à l'aérodrome de Piarco le 24 février, puis reprenait son voyage aérien vers la Guyane.


Il souligna que sa mission était officielle, qu'il était venu à titre de représentant de la France et que le Président Vincent Auriol l'avait personnellement chargé d'apporter à la Guyane le salut affectueux de la lointaine Patrie; il dégagea magistralement la leçon donnée par des hommes tels que
Victor SCHŒLCHER et Félix EBOUE et sût y puiser la certitude que la compréhension et la confiance mutuelles ne se démentiraient pas. Le cortège s'achemina vers le Monument aux Morts où des gerbes furent successivement déposées par M. le Président Monnerville, M. le Préfet, M. Boudinot, Président du Conseil Général et Maire de Cayenne, par M. le Président des Anciens Combattants etc.… Puis l'assemblée se recueillit pendant que le clairon sonnait "Aux Morts". La fin de la matinée comportait un programme chargé mais fertile en enseignements et en réconfortantes constatations: visite de l'usine électrique, de l'installation toute moderne de la station hydraulique du Rorota, des bâtiments nouveaux de l'Ecole Technique, etc. Le Président se fit présenter 1es cadres de l'Ecole, visita les ateliers et apprécia en connaisseur les travaux de menuiserie ou de ferronnerie exécutés par les élèves. Ce périple se termina par la visite du beau bâtiment des Mines, à Buzaret et celle de l'école des garçons, en construction.

A son retour à Cayenne, un déjeuner était offert par le Conseil Général au Président. A l'issue de ce banquet, une foule nombreuse massée sous les fenêtres attendait l'heure habituelle des allocutions. Le lendemain matin à 4h30, le même cortège qui les avait accueillis à l'arrivée accompagna jusqu'à l'aérodrome le Président Monnerville, sa femme et leur suite. Déjà le DC4 était posé sur la piste et c'est à l'heure prévue qu'il s'envola vers Paramaribo d'où un "Constellation" de la K.L.M. devait ramener directement en Europe l'éminent messager de la France, après un séjour bien rempli qui, malgré sa brièveté, n'est pas près de s'effacer de la mémoire des Guyanais.

  

Shenoc le 16/07/2006.

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