Black Panthers

http://www.blackpanther.org

[Accueil][Actualité][Peuple Noir][culture][litterature][Contact]

C'est en 1518 que la monarchie espagnole réussit pour la première fois à amener des esclaves noirs en Amérique, après avoir massacré les populations noires d'Afrique . Beaucoup de noires pendant la période de l'esclavage se révoltèrent, s'enfuirent et fondèrent des petites républiques indépendantes dans les zones délaissées par les colons européens.

Le commerce triangulaire, fondé sur la traite des esclaves noires d'Afrique vers l'Amérique par les Européens, permit une accélération de l'accumulation primitive du capital, aboutissant à l'industrialisation. Le commerce triangulaire était mené au départ par des marchands portugais et espagnols, puis par des Anglais et des Français.

Les bateaux chargés d'esclaves partaient d'Afrique de l'Ouest pour arriver à Bahia (Brésil), Saint-Domingue, Haïti, Cuba et la Virginie. Les bateaux repartaient après chargés de sucre, de tabac, puis de café et de coton. Le tout était produit par les esclaves enchaînés aux plantations. Les bateaux repartaient après d'Europe vers l'Afrique, chargés de pacotilles puis de produits textiles.

Au milieu du 19ème siècle les Etats du sud des USA produisaient ainsi les 3/4 de la production de coton. Les esclaves noires produisaient le produit d'exportation essentielle des USA et la matière première fondamentale pour l'industrie européenne en développement.

Il faut noter que les politiques de colonisation n'auraient pas pu avoir lieu sans la grande offensive patriarcale au 15ème siècle en Europe. La chasse au sorcière a détruit les communautés de femmes, les connaissances féminines quant à l'avortement et la contraception en général, la sexualité lesbienne… Les femmes furent forcées à avoir entre 10 et 20 enfants.

Cette donnée patriarcale faut également savoir qu'au départ il y eut des tentatives de mise en esclavage d'européens. Les Espagnols abandonnèrent très vite au XVIème siècle devant le manque d'"esclaves" potentiels. Les Anglais vendirent eux 90 jeunes femmes aux colons de Virginie, pour des kilos de tabac.

Autre fait important: les noires avaient au départ (au 17ème siècle donc) encore la possibilité de se "racheter" ou d'être affranchi, puis d'avoir des propriétés et de voter. Les africaines n'étaient alors que la minorité des esclaves, composées alors en majeure partie d'occidentaux "esclaves à temps partiel" pour ainsi dire. Ces "indentured servants" travaillaient en moyenne 7 années dans les plantations. Selon une loi de 1640, toute femme de chambre blanche qui désobéissait pouvait devenir esclave.

A la fin du 17ème siècle, l'esclavage "changea" de forme, et tous les esclaves étaient noirs. Le racisme devint alors une forme de domination reconnue et pratiquée à encore plus grande échelle. En 1660 les lois interdirent aux noires de posséder des terres, de voter, de se marier avec des blanches. A cela s'ajoutent les interdictions d'aller à l'école, de s'organiser, de se rassembler, de travailler dans des postes qualifiés. L'idéologie de la suprématie blanche vint alors justifier la domination et l'exploitation des esclaves.

Au milieu du 19ème siècle les esclaves noires - hommes, femmes, enfants à partir de 10 ans - travaillaient à 90% dans l'agriculture. Le fouet était le plus souvent la méthode pour "éduquer" les esclaves, voire la torture. La résistance des femmes noires, utilisant des moyens de contraception afin de limiter les naissances, fut brisée par la violence, les viols. Parfois les femmes noires tuaient leurs propres enfants pour ne pas en faire des esclaves.

Le viol était une méthode institutionnalisée de terrorisme contre les femmes noires, qui n'avaient pas le soutien des hommes noirs. Ces derniers étaient également éduqués de manière chrétienne, c'est-à-dire qu'on leur expliquait que la femme était inférieure, et qu'ils ne devaient pas faire des "travaux de femmes". Les femmes étaient cantonnées dans certains métiers spécifiques (cuisine, santé, ménage…) et le patriarcat des hommes noirs en était renforcé.


A la fin du 18ème siècle, 40% de la population des Etats du Sud des USA étaient des Africaines devenues esclaves (et seulement 10% dans les Etats du Nord). En 1860 dans les Etats du Sud 1733 familles (formant le 1/3 de la population blanche des Etats du Sud) possédaient chacune au moins une centaine d'esclaves. En 1830 3777 personnes possédaient des esclaves.

Les 300 années d'esclavage des noirEs furent marquées par 250 révoltes des esclaves. Sans compter les incendies, les sabotages, les empoisonnements, les cours de lecture et d'écriture organisés en cachette.

Il y eut également la communauté "maroon", qui existait depuis 1642 en Floride, et avait été fondé par des noires en fuite. Les Indiens Séminoles s'enfuirent là-bas vers 1750, et à partir de 1812 les USA tentèrent de détruire la communauté, qui se transforma en 1816 en "Etat séminole afro indien". Il s'agissait d'une fédération de villages d'Africaines et de Natifs Americains, qui résistèrent ensemble à l'armée des USA jusqu'en 1842.
Mais la communauté maroon n'était pas la première "zone libérée":

-en 1598, sur le territoire du Brésil actuel, des Africaines fondèrent une république de Palmarès, plus grande en taille que la Belgique actuelle. Cette république sut se défendre des attaques néerlandaises et portugaises jusqu'en 1696;

-en 1739 la Jamaïque gagne son indépendance après une révolte conduite par le général Kojo (Cudjoe);

-de 1791 à 1804 c'est Toussaint L'Ouverture qui conduit la révolte à Saint-Domingue / Haïti, avec Christophe et Dessalines, contre les Français. Le but, un Etat noir reconnu par les nations du monde, sera définitivement anéanti en 1844 par l'arrivée de colons espagnols et la séparation de Saint-Domingue de Haïti par l'Espagne et les USA.


Il faut noter ici que Toussaint L'Ouverture est considéré comme le fondateur du nationalisme noir. Il a dépassé le repli isolationniste à la maroon, de la même manière que Tecumseh l'a fait à la même époque pour la "nation rouge".

Le mouvement lancé va s'amplifier: le 7 octobre 1800 1.000 personnes africaines armées et guidées par le général Gabriel Prosser marchent sur la ville de Richmond en Virginie. C'est une date symbole pour les Afro-américains en lutte pour leur propre nation.

Les blancs répondirent par la répression et l'organisation de milices imposant l'interdiction de sortir entre 6 heures du soir et 6 heures du matin à tous/toutes les noirEs.
Au niveau international c'est en 1807/8 que le trafic d'esclaves fut officiellement interdit, après avoir coûté la vie à plus de 30 millions d'Africaines. Mais rien ne changea aux USA. Le mouvement pour l'abolition de l'esclavage ne réussit pas à s'imposer dans la rédaction de la constitution (guerre d'indépendance, 1775-1783).

Le second mouvement abolitionniste, issu d'une révolte en 1831, était confronté à trois problèmes centraux le divisant:
-le rôle de la femme (interdite de présence lors des réunions);
-le soutien ou non au projet de rapatriement demandé par l'American Colonization Society qui veut expulser les noires au Libéria;
-la question de la violence.

David Walker, un "affranchi", a formulé théoriquement la dernière question. Voulant au départ une lutte démocratique pour modifier les lois, il se prononcera ensuite pour un gouvernement des noires pour les noirEs. Ce second abolitionniste a eu de l'écho dans les classes populaires blanches, elles aussi confronté à la brutalité anti-démocratique du régime.

Le mouvement des femmes, essentiellement petit-bourgeois, s'est lancé comme conséquence des luttes démocratiques des noirEs.
Les noires organisèrent également clandestinement des "fuites" vers des zones libérées. Harriet Tubman construisit ainsi un "undeground railroad" (chemin de fer clandestin), avec des passeurs et des bases (les "safe-houses"). Tubman s'était également enfui, et entendait aider les autres à s'enfuir vers les USA du nord et le Canada, où l'esclavage n'existait plus grâce aux réalités industrielles. En 1850 fut en réponse créé une nouvelle loi, le "fugitive slave act", permettant la traque et les primes pour les esclaves s'étant enfuiEs. Les noires organisèrent alors des groupes d'autodéfense.

Les USA du nord avaient développé une industrie et un secteur bancaire, tandis que les USA du sud s'appuyaient sur une agriculture basée sur l'esclavage. La situation se fit conflictuel au milieu du 19ème siècle. Jusqu'en 1860 en effet le Sud avait nommé tous les présidents, et fournissait surtout leurs matières premières à l'Angleterre.

Les Etats du nord en eurent assez, et durent réagir afin de pouvoir modifier les impôts, le crédit et l'ensemble des politiques. L'objectif principal était d'empêcher les Etats du Sud d'élargir leurs plantations; les USA étaient alors, comme l'Etat d'Israël, un Etat de colons s'élargissant. L'Office of Indian Affairs dépendait du ministère de la guerre, et la Cour Suprême avait confirmé en 1823 que les terres conquises appartenaient aux USA. Entre 1787 et 1860 les USA passèrent de 13 Etats fondateurs à 33 Etats, de 4 millions de personnes à 31.

A chaque conquête les natifs indiens furent repoussés vers l'Ouest. Puis au Sud il y eut l'expansionnisme au dépens du Mexique: furent fondés les Etats du Nouveau Mexique, de Californie, du Texas. Des parties des Etats du Nevada, d'Utah, du Colorado et de l'Arizona ont également été prises au Mexique. La lutte armée contre l'occupation, forte notamment en 1890 avec "Las Gorras Blancas" regroupant 1500 personnes, dure jusqu'à aujourd’hui.

La tension entre le Nord et le Sud fut partiellement résorbée avec le compromis Clay, donnant à chaque Etat le droit ou non de pratiquer l'esclavage traditionnel. Mais en 1854 lorsque le Kansas voulut abolir l'esclavage 3000 soldats du Missouri intervinrent et brûlèrent les habitations des noires, et détruisirent en mai 1856 totalement la ville de Lawrence. Deux partis furent alors fondés: le parti républicain défendait les intérêts des industriels du nord, le parti démocrate les intérêts du sud. Puis une guérilla de blanches et de noires écrasa en 1856 l'intervention pro esclavage.

La guérilla se développa sous la conduite de John Brown qui tenta de fonder un Etat noir, mais elle sera elle-même écrasée par les troupes US. La date de la pendaison de John Brown fut considérée dans des dizaines de villes comme une date de deuil pour les noirEs.

Lorsqu'en 1861 un président républicain fut élu (Lincoln), 11 Etats du sud firent sécession et fondèrent les CSA (Confederate States of America), dont le gouvernement provisoire fut reconnu par les Français et les Anglais. Les Etats du nord déclarèrent alors la guerre, disposant de 22 millions de personnes et d'une industrie forte, alors que le sud n'avait que 5 millions de blancs et 4 millions de noires en opposition à l'esclavage. Parmi les 2,1millions de soldats de l'armée nordiste, 180.000 étaient noirs.

Dans la vallée du Mississippi et en Caroline du Sud les noires occupèrent les plantations et les gérèrent eux/elles-mêmes. Après la victoire la situation fut très tendue, et Lincoln assassiné en 1865. Les deux thèses quant à son meurtrier expliquent bien la situation: soit il s'agit d'un sudiste radical, soit d'un membre des républicains radicaux, partisans de la légalisation du pouvoir noir dans les plantations occupées. Le nouveau président, Andrew Johnson, ancien propriétaire d'esclaves, organisa une amnistie générale, une politique de réconciliation générale, et une lutte armée pour récupérer les terres occupées. Mais le rêve de la New Afrika s'est réalisé et ne quittera plus le cœur des nationalistes noirEs.

Beaucoup de blanches au sud n'acceptèrent pas la fin de l'esclavage suite à la défaite face au nord, en 1867 les républicains accordèrent le droit de vote aux hommes noirs pour empêcher l'arrivée au pouvoir des démocrates. Aux groupes violents de "vigilantes" succéda alors le Ku Klux Klan, pratiquant un terrorisme organisé pour empêcher aux noirs de voter.

L'esclavage n'avait été de plus aboli que formellement. Les esclaves libérés dépendaient toujours de leurs anciens propriétaires en raison de "contrats" de dettes. Les "arrangements", où les noires louaient des terres un certain prix, se révélèrent être des pièges forçant au travail pour rembourser les dettes.

Les « Black codes" empêchaient les noires de vivre correctement: des amendes et la prison étaient le lot s'ils/elles pêchaient, n'avaient pas leurs papiers, chassaient, portaient une arme… Et la mort était le lot de ceux et celles accusées de vol par un ou plusieurs blancs.

Comme l'a analyse Marx, la lutte entre le nord et le sud se fondaient sur deux manières d'exploiter: l'esclavage tout court ou l'esclavage salarié. D'ailleurs en 1870 les lois de Jim Crow instaurèrent la ségrégation raciale, la séparation des noires et des blanches dans les transports en commun, l'exclusion des noires des écoles, théâtres, restaurants réservées aux blancHEs.

Le mode de scrutin fut modifié, "cassant" le vote des blancs pauvres et des noirs en raison du niveau d'étude demandé et des sommes à payer pour pouvoir voter. La cour suprême des USA accepta ses lois selon le principe du "separate but equal".
Au niveau économique, le capital du nord avala très vite le sud, contrôlant les chemins de fer, les ports, l'agriculture, etc. La crise économique fut le lot des noires, et elle fut telle avec les "locations" de terre qu'il fut renoncé à les poursuivre, notamment à cause de la résistance violente aux shérifs qui dura de la fin des années 1860 jusqu'aux années 1890.

La fin de siècle fut alors caractérisé par une grande augmentation de la brutalité et des actions violentes contre les noirEs. Face aux lynchages et aux viols se formèrent des clubs de femmes noires, qui firent une conférence nationale à Boston en 1895. Elles luttèrent notamment contre l'exposition universelle de Chicago de 1893, diffusant la brochure "pourquoi l'Amérique de couleur n'est-elle pas représentée" et menant des marches contre la ségrégation.

Les USA continuaient également leur expansion: annexion des Philippines, de Hawaii, de Guam et d'autres îles du Pacifique, de Puerto-Rico, puis contrôle de Cuba, Panama, la république dominicaine, le Nicaragua, Haiti. Au niveau intérieur tout fut fait pour intégrer de force les réserves indiennes dans le tout américain.

En 1874 par exemple les peuples Lakota et Black Hills durent défendre leurs territoires militairement depuis qu'on y avait découvert de l'or.
Les années suivant 1914 vont en empirant pour la nation rouge: à partir de 1934 les USA imposèrent des gouvernements de tribu, devant être reconnus officiellement; ceci cassant les structures historiques où étaient présentes beaucoup de femmes et possédant des perspectives sociales refusant les classes. En 1953 la politique de la "termination" cessa toute aide et imposa des impôts. Les réserves, déjà contrôlées et pillées, perdirent alors beaucoup de monde partant gagner sa vie dans les villes.

Les années allant de 1900 à 1914 sont celles de l'éducation pour des afro-américaines qu'on avait volontairement laissées dans l'analphabétisme avant et après l'esclavage. De nombreux groupes organisés se formèrent, comme le NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) en 1905, qui passera de 330 membres en 1912 à presque 100.000 en 1919.

Ou encore l'UNIA (Universal Negro Improvement Association), fondée par Marcus Garvey et rassemblant jusqu'à 5 millions de personnes. Garvey défendait l'idée d'une nation noire où vivraient tous/toutes les noires du monde entier. Il fonda la compagnie maritime « Black star line", et était le partisan d'un capitalisme noir indépendant des blancHEs.
Dans le même esprit fut fondé la "Nation of Islam" (NOI) en 1930, conduite depuis 1934 par Elijah Muhammad. Leurs membres sont également connus sous le nom de « Black muslims".

Partisans d'un capitalisme noir dans les Etats du Sud et d'un Islam noir extrêmement puritain.

Plus intéressant est la formation du CPUSA (Parti Communiste des USA) en 1919, que rejoignirent les membres dirigeants de l'ABB (African Blood Brotherhood), anciens membres de l'UNIA partisans d'un Etat noir aux USA et de l'autodéfense armée contre les lynchages.

Le CPUSA organisa l'ANLC (American Negro Labour Congress) pour les noires exclues du syndicat l'AFL (American Fédération of Labour). Puis, sous l'impulsion de Staline, le CPUSA et l'Internationale Communiste considérèrent que les noires des Etats du Sud formaient une nation opprimée. Les communistes devaient en ce sens soutenir la lutte démocratique nationaliste pour l'indépendance de cette nation (il faut noter que les trotskystes rejettent cette analyse).

Lors de la montée du fascisme le CPUSA mena une politique de "front populaire" et mis entre parenthèses les revendications sociales pour que les USA entrent dans la seconde guerre mondiale. A la mort de Staline le CPUSA devint révisionniste et se transforma en parti social-démocrate/social fasciste (allant accuser le Black Panthers d'être des "fascistes noirs").

Traitons de l'aspect économique maintenant. La guerre de 1914 fit se cesser l'immigration européenne, et pour la première fois des noires furent embauchées dans les industries du nord, passant de 550.000 en 1910 à 910.000 en 1920, avec un autre grand boom en 1945/47. La main d'œuvre noire devint l'armée industrielle de réserve, le sous-prolétariat de ce qui était désormais la première puissance impérialiste.

Dans les années suivant la crise de 1929, les noires organisèrent de grands mouvements de lutte, étant les premières touchées avec les femmes, les Native Américains, les Chicanos, les Puerto-Ricains. Le nombre de noires dans les syndicats passa de 100.000 à 500.000 (puis 1,25 millions en 1945), dans le Parti Communiste des USA de 1.000 à 5.000. Mais la situation des femmes n'avança pas, beaucoup tombaient dans une nouvelle forme d'esclavage. Sur les 100.000 femmes de ménage noires de New York de 1934, 350 étaient syndiquées. En 1960 35% des travailleuses noires étaient employées de maison, 20% étaient balayeuses, repasseuses…

 

 

Mouvement pour les droits civiques

Depuis les années 40 l'Etat s'était efforcé d'effacer les traits les plus marquants du racisme institutionnel. Le point culminant a consisté en une décision de la haute cour de justice des USA le 17 Mai 1954 de considérer comme anticonstitutionnelle la division raciste à l'école, parce que la division des écoles ne donnait pas les mêmes chances à tous. Cette loi évidemment ne changea rien.

C'est la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) qui a essentiellement été active. Cette association avait été fondée après la première guerre mondiale par des intellectuels noirs, des libéraux blancs et des entrepreneurs, était une organisation de la middle class black et n'a jamais eu de base populaire.

Le mouvement des droits civiques débute historiquement le 1er décembre 1955. Ce jour-là, à Montgomery en Alabama, la travailleuse black Rosa Parks refuse de céder sa place assise à un homme blanc. Cette place était réservée aux blancs, il y avait au fond du bus un endroit pour les noirs.

Elle fut arrêtée pour cela, suivant les lois locales sur la séparation des races. On avait déjà parlé auparavant d'un boycott des bus et avec le succès à Bâton rouge une année avant des pas en ce sens furent faits. Cette arrestation fut prétexte en conséquence à un boycott qui dura 12 mois. Jusqu'à ce que la haute cour de justice considéra la séparation comme illégale.

La lutte se fit dans la rue, avec des actions directes: boycott, manifestations, sit-ins, rupture avec la loi sur les séparations, avec par exemple les freedom rides, où des blancs et des noirs s'asseyaient les uns à côté des autres dans les transports en commun.

Le mouvement des droits civiques se limita principalement au sud, là où la séparation des races était la plus flagrante. On fit campagne pour le vote. En 1962 il n'y avait que 25% des blacks inscrits sur les listes dans le sud, à cause des restrictions imposées par les fonctionnaires. On espérait, en augmentant le potentiel de l'électorat noir, faire rentrer les noirs dans les administrations, casser le système des castes existant dans le Sud.

Il y avait de grandes organisations qui côtoyaient des organisations locales:
-le Southern Christian Leadership Conference (SLCC) était en 1957 l'organisation la plus connue internationalement, car fondée par Martin Luther King;
-le Congress of Racial Equality (CORE), fondée en 1942;
-le Student Nonviolent Coordinating Comittee (SNCC ou aussi SNICK).

Ces trois groupes n'avaient pas de structures organisationnelles de haut niveau; leur but n'était pas l'adhésion formelle. Les liaisons étaient plutôt fonctionnelles. Il y avait aussi tous les gens qui par leurs activités soutenaient le mouvement; en 1960 il y avait 50.000 personnes dans les manifestations du mouvement.

Les membres du CORE et du SNCC venaient d'une sorte d'aristocratie ouvrière: leurs parents venaient du Sud, leurs familles étaient pauvres et appartenaient à la classe ouvrière, mais eux-mêmes étaient au Collège. Il s'agissait de gens engagés, plein d'espoir, avec l'idée de dépasser les limites de la politique orthodoxe du NAACP avec les méthodes de la désobéissance civile. Le SNCC n'était pas, et ce dès le départ, une organisation spécifiquement Black, il y avait environ 60% de noirs et 40% de blancs.

L'analyse du mouvement des droits civiques est de fait pleine d'illusions, comme on peut le voir à travers les discours du pasteur Luther King qui a un " rêve, un rêve profondément ancré dans le rêve américain ". On est loin, comme on le verra par la suite, de la guerre anti-impérialiste contre les USA prônée par Georges Jackson. D'ailleurs l'hymne du mouvement était: " We shall overcome - some day ". Un jour...

La réponse du système fut claire. Insultes, coups, gaz, prison, torture, assassinat. L'espoir des blacks de modifier leur situation par des appels à la conscience des blancs ne marchait pas vraiment à 100%, malgré la sympathie d'intellectuels libéraux blancs, notamment du nord, qui pouvaient sympathiser avec le mode d'action et les revendications.

Le democratic party (les démocrates) a soutenu ce mouvement, mais seulement parce qu'il y avait de nouveaux votants, qui sympathisaient plus avec lui qu'avec les républicains, encore plus réactionnaire. Aussi les dollars de soutien allèrent principalement aux campagnes pour enregistrer les blacks comme votants.

Il y eut des succès, en deux vagues - 1957-1960 et 1964-1965. Il y eut même des interventions des troupes US pour imposer les lois. De fait, la violence contre les noirs (lynchage, terreur...) a été diminué, les blacks peuvent voter, ont plus de représentations politiques. De plus la conscience Black s’est réveillé - black is beautiful. La haine de soi en a pris un coup.

Evidemment, ce qui satisfait la middle class ne suffit pas les masses noires. La misère matérielle est toujours là, malgré des " droits " qui ne sont en fait que formels. Et dès que les masses recommencèrent les soulèvement, la middle class qui a su conquérir une position plus sympathique pour elle s'empresse d'en appeler au calme et à l'ordre, au Law and Order, à l'intervention de la police et de l'armée.

Il y eut une partie du mouvement qui se radicalisa, revendiquant la fin de la discrimination dans les logements, le travail, etc. Mais le mouvement n'était pas prêt à cette lutte - d'autant plus que cette radicalisation coupait des libéraux blancs.
La conséquence est claire: il est nécessaire de trouver du neuf.

En 1965/66 le SNCC enlève le terme de " non violent " de son sigle et le remplace par national. En 1966 les blancs sont exclus car d'aucune utilité dans la communauté Black, leur est fait appel de s'organiser en tant que blancs.

A l'opposé du mouvement des droits civiques, il y avait la nation of islam, connu sous le nom de Black muslims. Fondée en 1934 par Wali Farrad, elle était conduite depuis 1934 par le ministre Elijah Muhammad. il s'agissait en premier lieu d'une secte religieuse, avec des règles strictes (pas d'alcool, de cigarettes, de drogues, de danses, de flirts, de cinémas, de perte de son emploi...).

A côté des temples dans les ghettos, il y avait des restaurants, des magasins, des écoles, et même une université (à Chicago). Il y avait un groupe d'auto-défense, Fruit of Islam. L'idéologie de la secte considère que les blacks sont choisis par Dieu et que les blancs doivent disparaître avec le démon blanc. Il n'y a pas grande chose à voir avec le monde de l'Islam en fait, et d'ailleurs la Bible est plus cité que le Coran. Le but est un capitalisme noir, issu des efforts et de la création d'un Etat noir aux USA. Il y avait environ entre 75000 et 150000 membres dans 27 Etats.

Ceux-ci donnaient entre 1/3 et ¼ de leur salaire à l'organisation. Le membre le plus connu était Mohammed Ali / Cassius Clay. La prise d'un nom arabe ou africain au lieu d'un nom américain est un phénomène en liaison avec cette " conscience " de l'oppression Black.

Leur leader le plus connu était Malcolm Little, né en 1925 à Omaha, dans le Nebraska. On le connaît sous le nom de Malcolm X. Il considérait en effet que son nom avait été effacé par les blancs, volé. Il fut condamné en 1946 à 10 années de prison pour cambriolage, et contacta en prison des Black Muslims, et après sa libération anticipée en 1952 il devient leur leader et organisateur le plus significatif.

Il conduisit longtemps le temple de Harlem à New York. Début mars 1964, après un voyage à la Mecque, qui l'amena aussi dans des pays du Proche-Orient et d'Afrique, il rentra en conflit avec les Black Muslims. Il n'accepta plus leur théorie raciale; il considéra que c'est plus la politique que la religion qui permettra une amélioration des conditions de vie des noirs. Il fonda le 8 mars une nouvelle organisation religieuse, la Muslim Mosque, Inc, puis une organisation de teinte non religieuse et socialiste, l'Organization of Afro-American Unity (OAAU).

De Juillet à Septembre il voyagea encore deux fois en Afrique et au Proche-Orient, ce qui l'éloigna encore plus d'une théorie raciale et l'amena à un point de vue internationaliste. Il avait participé à la conférence de l'Organization of African Unity au Caire, où il prôna que les Etats africains amènent le problème racial US devant l'ONU.

Il ne réussit pas mais il y eut une résolution qui condamna la discrimination aux USA. Puis aux USA Malcolm X continua de " prêcher ", mais cette fois, et à la différence du mouvement des droits civiques, en faveur de la violence révolutionnaire. Parce qu'" en se mettant à genoux et en priant on n'obtient aucun droit ". Il prôna la formation de rifle clubs pour défendre les communautés blacks.

A un meeting qu'il tint le 8 avril 1964 à un rassemblement du Militant Labor Forum, d'ailleurs devant un public au ¾ blanc, il affirma que " La révolution noire est en cours en Afrique, en Asie et en Amérique latine; si je dis noir, alors je ne veux pas dire blanche, mais noir, marron, rouge ou jaune. Nos frères et nos sœurs en Asie, qui ont été colonisé par les Européens, et les paysans en Amérique latine, qui ont été colonisé par les Européens, tous ceux-là se retrouvent depuis 1945 dans une lutte pour éloigner de leurs pays les colonialistes et les puissances coloniales, les Européens.

C'est une véritable révolution. Révolution basée toujours sur la terre. Une révolution ne se base jamais sur la volonté que quelqu'un nous apporte une tasse de café intégrée. Des révolutions ne peuvent jamais être obtenues, si l'on tend sa joue à l'autre. Les révolutions ne se basent jamais sur le " tu aimeras tes ennemis et prieras pour ceux qui t'offensent et te poursuivent ".

Et les révolutions ne sont jamais menées simplement en chantant " we shall overcome ". Les révolutions se basent sur les effusions de sang, les révolutions ne sont jamais des compromis, ne reposent jamais sur des négociations.

Les révolutions ne reposent jamais sur une sorte de cadeaux; les révolutions ne reposent pas non plus sur la demande mendiante d'être accepté dans une société corrompue ou un système corrompue. Les révolutions renversent les systèmes. Et sur cette terre il n'y a pas de système qui se soit révélé plus corrompue, plus criminelle que ce système qui colonise en 1964 encore 22 millions d'Afro-américains, qui a toujours comme esclaves 22 millions d'afro-américains ".

Il modifia encore une fois son nom, en El Hajj Malik El Shabazz. Mais c'est sous le nom de Malcolm X qu'il est le plus connu. Il se fit descendre le 21 février 1965, pendant une allocution à Harlem. La fille de Malcolm accuse les Black Muslims et a d'ailleurs essayé de tuer celui qui est leur leader ou au moins un responsable moral de l'assassinat de celui dont la signification pour le mouvement black est grand: Malcolm X. L'OAAU elle s'écroula peu après.

Théorie du « Black Power!"

Lorsque le 6 Juin 1966 James Meredith, figure symbolique du mouvement pour les droits civiques, se fit descendre lors d'une Freedom March dans le Mississippi, le mouvement " we shall overcome " se divisa. L'exigence de l'aile radicale, " freedom now ", se transforma également en " we shall overrun ". Stokely Carmichael utilisa le terme de « Black power " comme slogan et résuma ainsi la pensée d'une partie du mouvement.

Black Power " est un appel aux noirs de ce pays à s'unir, de reconnaître leur héritage, de développer un sens civique ". Il s'agit que les noirs aient des propres buts, conduisent leurs propres organisations, les défendent, refusent les institutions racistes et les valeurs de la société existante.
Il s'agit " d'en arriver à nos propres notions, avec lesquelles nous nous définirions nous-mêmes ainsi que notre relation avec la société ".

L'importance des propres définitions du mouvement a été souvent soulignée par Stokely Carmichael. Il cita ainsi un livre d'enfant de Lewis Caroll, Alice derrière le miroir. [Le traducteur de ce texte n'ayant pas lu l'œuvre en question, problème! Résumons ainsi: il y a un personnage qui dit à Alice: " quand j'utilise un mot, alors c'est que je le considère comme juste - pas plus, pas moins ". Alice répond: " oui mais il se pose la question de savoir si on ne peut pas donner un autre sens au mot ". Et le personnage de dire alors: " la seule question qu'il se pose est de savoir qui est le plus fort, c'est tout ".]
Le livre de Carmichael et Hamilton, Black Power, sous-titré la politique de la libération en Amérique, tente de définir et résumer ce concept. Le point de départ est l'analyse de l'Amérique noire comme colonie dans la mère patrie, comme dit plus haut.

Etant donné que cela ne sert à rien d'espérer de l'Amérique blanche qu'elle abandonne ses discriminations, il faut que les noirs organisent leur propre pouvoir: Black Power . Il s'agit de défendre ses propres intérêts que personne d'autre ne peut défendre. Pour pouvoir participer à une société pluraliste (avec les blancs) il faut d'abord être unis si l'on veut être sur un plan d’égalité.

Evidemment, on peut se douter que la critique classique et petite-bourgeoise, celle du " racisme à l'envers ", a fusé. Mais cela est faux, parce que les noirs n'oppriment aucun autre groupe, mais veulent s'auto définir et s'auto réaliser sans la domination d'autres groupes. " La pleine participation au processus de décision, tant que cela touche la vie des noirs ".
Pour gagner ce contrôle, il ne suffira donc pas de gagner des positions dans la structure de pouvoir. On cite l'exemple de la case de l'oncle Tom. " Une image d'apparition noire n'est pas encore un 'pouvoir noir' ".

On doit également se débarrasser du principe de non-violence. Les blancs l'utilisent, on doit pouvoir répondre. L'auto-défense sera le maître mot des Black panthers.

Ce n'est que lorsqu'on en sera arrivé au Black power que sera possible un travail avec des groupes blancs. Pour ne pas reproduire indéfiniment la situation du mouvement des droits civiques: une collaboration entre des blancs tout puissants et des noirs dépendants.

En se positionnant comme Black Power, les noirs entendent refuser le racisme des blancs, ne pas accepter les règles du jeu. Exactement comme les autonomes se refusent à participer aux institutions, partis et syndicats révisionnistes et bourgeois pour rompre totalement avec le système impérialiste-capitaliste. Il n'y a pas à accepter l'exploitation (ou le racisme), il faut organiser un contre-pouvoir éliminant ces oppressions.

Le concept de Black Power proposé est plus un cadre qu'un programme. C'est dans la pratique que va se décider concrètement la construction du Black Power.

Naissance du Black Panther Party 

Le 15 octobre 1966 Huey P. Newton et Bobby Seale fondent à Oakland, en Californie, le Black Panther Party  for Self-Defense.

Parlons un peu de la biographie de ces deux personnes. Huey Percy Newton est né le 17 février 1942 à Oak Grove, en Louisiane. Il est le plus jeune d'une famille de sept enfants. Son père, ouvrier, trouve du travail à Oakland et ils partent tous là-bas.

Newton vit dans la rue, et comme tout le monde a des problèmes avec la police et a des procès. En 1962 il est condamné en sursis pour avoir attaqué un policier. En 1964 il prend 8 mois ferme et 3 ans avec sursis pour avoir planté quelqu'un [avec un couteau]. Il est allé au Merritt College à Oakland et pendant peu de temps à la San Francisco Law School. Il travaille à ce moment là avec quelques petits groupes politiques des noirs.

Bobby Seale est né le 22 octobre 1936 à Dallas au Texas. Il grandit avec un frère, une sœur et un cousin. Il devient mécano après une enfance pauvre, va à l'armée dont il est viré, puis se retrouve dans l'aéronautique. En 1960 il va à Oakland, et va de temps en temps au Merritt College, où il rencontre en septembre 1962 Newton.

Ils travaillent de temps en temps dans les mêmes groupes politiques, mais pas au même moment. En été 66 ils ont tous les deux un travail dans le programme d'aide aux pauvres, Seale comme maître d'œuvre, Newton comme Community-Organisator.

Leur nouveau parti n'avait rien à voir avec le Lowndes Country Freedom Organization, qui si elle avait également comme symbole une panthère, se voulait alternative aux partis démocrate et républicain (évidemment c'est l'échec aux élections).

Le Black Panther Party  for Self-Defense se distingue de ce groupe déjà par l'appel à l'autodéfense armée organisée des noirs contre les attaques de la police, et les agressions contre les racistes blancs. C'était un de leur point central. Newton expliqua que leur symbole l'exprimait clairement: " la panthère est un animal qui n'attaque jamais.

Mais s'il est attaqué ou poursuivi, alors il se soulève et efface celui qui l'attaque ou l'agresse - absolument, de manière décidé, totalement, à la base, de fond en comble ". Il ne s'agit pas de la première tentative d'auto organisation. Robert F. Williams, secrétaire du NAACP à Monroe, en Caroline du Nord, appelle depuis 1957 à se défendre contre la terreur du KKK. Lorsque le FBI voulut l'arrêter en 1961, il s'enfuit à Cuba, puis en Chine populaire. La seconde tentative a consisté en la formation des Deacons for Defense and Justice en différents endroits de la Louisiane. Mais le mouvement des droits civiques n'est pas remis en question, on se considère plus comme une partie de ce mouvement. L'utilisation des armes ne définissait pas une nouvelle stratégie, mais simplement une défense nécessaire. Les Panthers eux allèrent plus loin, en automne 68 les termes " for Self-Défense " sont enlevés, on veut renforcer le côté parti avec un programme politique, pas le côté " autodéfense ".

Le programme en dix points qui suit est le programme du parti. Il n'a jamais été changé, sauf en ce qui concerne le point 3. Le 27.12.1969 on remplace la formule " par l'homme blanc " par " par les capitalistes ".

L'agitation commença avec 1000 exemplaires de ce programme dans la communauté de Oakland. Ils discutèrent dans la rue, expliquèrent le programme. On ne peut pas vraiment parler de parti, avec seulement deux personnes. Néanmoins Newton se proclama ministre de la défense du parti et Bobby Seale président.

Le premier adhérent fut Bobby Hutton, 15 ans. " Cela commença ainsi: avec des rassemblements dans la rue, en parlant beaucoup de violence et avec un peu de bagarres à l'intérieur de la communauté d'esprit noire et beaucoup d'enrôlement - personne ne sait combien - dans la rue ".
Newton et Seale parlèrent en fait principalement du point 7, celui de l'auto-défense. Ils prônèrent la formation de groupes de 3-4 pour liquider les policiers racistes, lancer des bombes incendiaires et en fait, comme but, la liquidation de l'armée d'occupation blanche.

Leur première arme fut un fusil M-1 et un pistolet 9mm. Ils reçurent cela d'un révolutionnaire japonais, qui les donnèrent gratuitement (Newton et Seale n'avaient pas d'argent mais persuadé le camarade de le donner afin qu'ils " puissent commencer à préparer le peuple à un combat révolutionnaire ". Ils étudièrent les règles du port d'armes, apprirent le droit quant à ce sujet.

Ils formèrent une infrastructure organisationnelle: un local au coin de la 56ème rue et de la Grove street, à Oakland fut loué. Le premier janvier 1967 le bureau officiel du parti est ouvert. Fin janvier il y a déjà 25 personnes qui s'y rencontrent. Le parti eut bientôt entre 30 et 40 membres.
Le « Black Panther Party » est né.

 shenoc le 01/11/05

merci à http://www.etoilerouge.chez.tiscali.fr

chickens_back.gif

[Accueil][Actualité][Peuple Noir][culture][litterature][Contact]

 

©2005 Shenoc. Tous droits réservés.