Royauté en Afrique noire précoloniale

 

L'Afrique noire précoloniale, fut contrairement aux idées préconçues véhiculées, un modèle dans le domaine de la gestion gouvernementale. Elle était, en effet, régie par des règles qui facilitaient grandement la vie en commun. Marcel Griaule, Germaine Dieterlen et le Révérend Tempels ont mené des travaux qui ont mis en lumière un mode vie strict et hiérarchisé ou chacun avait une place déterminée dans la société.

"Selon le Rév. Père Tempels, il ne règne dans l'univers qu'un ensemble de forces hiérarchisées : chaque être, animé ou non, ne peut occuper qu'un échelon déterminé en vertu de son potentiel. Ces forces sont additives : ainsi, un être vivant qui porte comme talisman le croc ou la griffe d'un lion où se trouve concentrée la force vitale de l'animal accroît la sienne d'autant ; pour le vaincre dans un combat, il faut totaliser une somme de forces supérieure à celle qu'il a, plus celle du lion. De la sorte, la lutte entre deux rois est, avant tout, une lutte magique, au niveau des forces vitales ; elle se déroule, bien avant le combat physique sur le terrain, autour des canaris et des pilons de libation fichés en terre, durant la nuit, dans les bosquets sacrés".

Ce lien invisible entre l'homme et l'animal, le premier s'abreuvant de la force du second pour faire face à son ennemi restera présent en Afrique jusqu'à son invasion par les Occidentaux. Avec la venue des musulmans, les rois africains se détourneront peu à peu des traditions pour mettre leurs espoirs entre les mains des marabouts et des chefs religieux musulmans; kabbale et gris-gris orientaux deviennent les éléments indispensables à toutes victoires.

Mais cette réflexion méthodique ordonnée à une connaissance approfondie de la nature des choses qui fut longtemps considérée par les Occidentaux comme incohérente fut perçue après les travaux menés par Marcel Griaule comme des principes cartésiens. Le monde africain était donc après observations ; logique, douée d'une réflexion fondamentale philosophique qui porte sur la recherche des causes, des évènements, et toujours dans le respect des êtres et des éléments qui la composent. La révélation fut surprenante pour les occidentaux comme nous pouvons le constater dans le tome I du livre "Ethnologie de l'Union Française" de André Leroi-Gourhan et Jean Poirier à la page 369 on peut y lire ceci :

" Tous les travaux et activités humaines (...) rappellent (le mouvement universel) : poterie, élevage, danse, musique, décoration, et notamment la forge, art prestigieux le Moniteur a été un forgeron dont les cadences de soufflet et d'enclume ont créé la première danse (...). Le monde s'ordonne comme une vaste équation; l'animation humaine répond à l'animation de la nature, et chaque geste se prolonge jusqu'à des précédents mythiques. Le monde négro-africain qui paraissait à certains si simple est simple en effet, mais par l'effet de sa logique interne. Il est en apparence très compliqué ; la création prend un sens qu 'on peut dire philosophique. L'Univers noir semblait brut ; il apparaît maintenant comme profondément élaboré."

 Dans tous les empires d'Afrique Noire, les protocoles royaux étaient en de nombreux points semblables et très stricts. Les sujets en signe d'humilité devaient en s'approchant de leur roi se couvrir de poussière. Le roi s'adressait toujours à voix basse à ses sujets par l'intermédiaire d'un heraut (Officier chargé de faire des publications solennelles), il n'élevait jamais la voix. Reconnaître l'autorité du roi signifiait que l'on devait se tenir debout même hors de sa présence pour recevoir son ordre, et que l'on devait se décoiffer devant ce dernier. Le roi dans cet univers Africain est l'élément primordial, le lien qui crée l'équilibre entre le visible et invisible. La présence d'un roi illégitime n'apporterait que le malheur sur le peuple (épidémies, sécheresse, stérilité, etc.). Avant la période précoloniale, la nomination du nouveau roi se faisait selon des règles strictes préétablies ainsi n'y avait-il pas de place pour un quelconque usurpateur.

Pour exemple :

Chez les Mossi où la monarchie est constitutionnelle, le Moro Naba (le roi) est choisi parmi la famille du défunt roi par un groupe de quatre dignitaires présidé par le Togo Naba (le premier ministre).

Au Songhaï, lors de l'intronisation du roi, les Souma (gens du peuple) parés de burnous (Manteau de laine à capuchon, sans manches) entouraient le roi et l'accompagnaient en procession jusqu'à la salle du trône où un trône en forme de dais attendait le nouveau Askia. S'en suivait la prestation de serment. Le peuple entier prêtait serment d'obéissance sur le Coran à l'Askia (le roi). Le peuple qui était très croyant accordait une place très importante à ce rituel. Le roi se devait d'être présent lors de la prière du vendredi soir dite en son nom.

Au songhaï, lors des audiences, les dignitaires en fonction de leurs rôles officiels occupent une place, un insigne et une tenue bien précise. Le roi se réservait le droit de défaire un dignitaire de sa fonction et pouvait lui aussi en cas de coup d'État se voir défaire de sa parure (emblèmes et insignes royaux). Le roi s'asseyait sur une estrade ou un divan ou seuls les cherifs pouvaient prendre place à côté de lui.

Sous l'Askia Benkan (Bounkan) la vie de la cour s'améliore le royaume s'agrandit, le roi se fait faire des vêtements en draps, la cour est parée de somptueux habits, de literie en soie. Le nombre d'orchestre, de chanteurs, et de danseurs augmente, le roi lors de ses voyages en pirogue se fait accompagner par des tambours (gabtanda) et des trompettes (fotorifo). La musique est polyphonique, elle se compose d'un chanteur que l'on nomme debékat en walaf et d'un avoukat c'est-à-dire un choeur. Le roi couvre ses sujets de cadeaux, il offre des bracelets en or à ses serviteurs. La prospérité règne sous l'askia Benkan.  

Au Cayor, ancienne province du Ghana, le Damel (le roi)  est désigné par les représentants des hommes libres (hommes de caste ou sans caste), les représentants du clergé musulman et les représentants des Tieddos ( ensembles des personnes (soldats ou courtisans) rattachés au roi) et des captifs de la couronne. Cette assemblée formait un tas de sable sur lequel montait le roi montrant ainsi sa position de dominant et de dirigeant du peuple. On lui posait à la cheville gauche un anneau que l'on nommait à l'origine "ndombo'g tank". Sous le règne heureux du Damel Meiça Tenda, les rues de la capitale Maka étaient éclairées par des jarres remplies de graisses dans laquelle on avait fait tremper un bout de tissu en guise de mèche. Il faut savoir qu'au Cayor les charges politiques hormis celle de roi étaient héréditaire ainsi seules les membres d'une même famille pouvaient prétendre à un même poste.

Au Ghana, la succession est matrilinéaire ainsi succède au roi le fils de sa soeur comme nous le confirme El Bekri dans son livre "Route de Ghana à Tadmekka": "Chez ce peuple l'usage et les règlements exigent que le roi ait pour successeur le fils de sa soeur; car, disent-ils, le souverain a la certitude que son neveu est bien le fils de sa soeur; mais il ne peut pas être assuré que celui qu'il garde comme son propre fils le soit en réalité."

L'or élément principal permet l'opulence et le luxe,  l'empereur, ainsi que les chevaux, les chiens du roi, et les pages étaient tous couverts d'or. Le roi était coiffé de bonnets dorés entourés d'étoffes de coton.

On retrouve dans cet empire des similitudes avec l'Égypte, ainsi le roi qui se faisait appeler Tounkara et Kaya-Magan avait un emploi du temps  qui tenait compte pour beaucoup des traditions en vigueur; le matin, suivit de sa cour et de ses animaux (girafes, éléphants) il faisait à cheval le tour de sa capitale afin d'écouter les doléances de ses sujets et les résoudre. L'après-midi, il se devait d'effectuer le même parcours, mais cette fois-ci tout seul. Cette activité était considérée comme la plus importante pour les rois africains.

L'empereur vivait dans un château fortifié, en pierre, bâti en 1116 remarquablement décoré de sculptures et de peintures. Ce château fut décrit par plusieurs voyageurs (Bekri, Idrissi, etc.) comme le lieu de toutes les merveilles architecturales.

Les autres personnes qui comme le Kaya-Magan respectaient la tradition portaient des vêtements faits de soie, de coton ou de brocart, les hommes se rasaient la barbe, mais se tressaient les cheveux et les femmes, elles se rasaient la tête.

Chaque jour, assis sur une estrade en or rouge aux portes du palais le roi offrait 10 000 repas à ses sujets. Les réserves d'or du pays entreposées dans la ville de Ghïarou permettaient cela et l'abondance du précieux métal était telle que le roi laissait au peuple tout l'or en poudre qu'il pouvait extraire des mines de l'empire. Lors de cette période, la misère, l'insécurité et l'injustice n'existaient pas en Afrique, tout étranger était bien reçu tant qu'il respectait les règles de vie établie par le roi et ses jurisconsultes.

Au Mali selon Ibn Batouta qui la visita en 1351-1353 ou régnait alors le Mansa Souleiman les audiences royales se déroulaient ainsi : " Les jours d'audience, l'empereur était assis dans une alcôve communiquant par une porte avec le palais : elle a trois fenêtres en bois revêtu de lames d'argent et, au-dessous, trois autres garnies de plaques d'or ou de vermeil (on peut en déduire que le palais avait au moins un étage). Ces fenêtres étaient garnies de rideaux; un mouchoir aux dessins égyptiens, attaché à un cordon de soie, était glissé à travers les grillages qui les protégeaient les jours d'audience. Le peuple était appelé au son des cors et des tambours. Trois cents soldats armés d'arcs et de javelots se mettent en rang sur deux colonnes de chaque côté de la fenêtre où doit se tenir l'empereur. Ceux qui portent les javelots forment les rangs extérieurs et se tiennent debout, ceux qui ont les arcs sont assis devant ; les quatre colonnes sont face à face. On amène deux chevaux sellés et bridés et deux béliers : cette pratique nous rappelle le Ghana. Près de trois cents sujets courent chercher Candja Mouça. Les ferraris, les émirs, le prédicateur (khatib) et les jurisconsultes arrivent et s'assoient, devant les soldats, à droite et à gauche, dans l'espace qui sépare les colonnes. Dougha, le héraut, se tient à la porte, revêtu d'habits de zerdkha-nan ; il est coiffé d'un turban à franges façonné d'après le style du pays ; il est le seul à avoir le privilège de porter des bottes ce jour ; il a une épée à fourreau d'or à son côté ; il porte des éperons, deux javelots en or et en argent, avec pointe de fer. Les soldats, les fonctionnaires civils, les pages, les messoufites, et les autres, restent au dehors, dans une large rue plantée d'arbres. Chacun des ferraris a devant lui ses subordonnés portant des lames, arcs, tambours, et des cors faits avec des défenses d'éléphants. Un des instruments de musique était le balafon, car il était fait de roseaux et de courges et on le faisait résonner avec des baguettes. Chaque ferrari a un carquois au dos et un arc à la main ; il est à cheval et ses subordonnés, tant fantassins que cavaliers, se placent devant lui. Lorsque l'empereur arrive derrière la fenêtre, Dougha sert d'intermédiaire, transmet les ordres, reçoit les doléances, les soumet au souverain qui prend une décision." Il poursuit :

"Il arrive que l'audience soit donnée à l'intérieur du palais. On place alors un siège recouvert de soie et élevé sur trois gradins sous un arbre ; ce trône est appelé ben-bi ; on y place un coussin et le tout est recouvert d'un parasol en soie, en forme de dôme, surmonté d'un oiseau d'or, grand comme un épervier. Le Mança sort du palais avec son arc à la main, un carquois au dos. Il a un turban en étoffe d'or attaché par des rubans d'or qui se terminent en pointes de métal de plus d'une palme de longueur et semblables à des poignards. Il porte son manteau rouge, en tissu européen : le montenfès. Des chanteurs marchent devant lui, tenant en mains des combes d'or et d'argent; il avance à pas lents, suivi de près de trois cents soldats armés, et s'arrête de temps en temps. Avant de s'asseoir sur son siège, il fait lentement un tour d'horizon ; puis les cors, les trompettes et les tambours retentissent dès qu'il est assis ; on amène de nouveau les deux chevaux et le bélier qui chasse le mauvais sort. Dougha est à sa place habituelle, près du Mança ; le reste du peuple se tient dehors ; on appelle les ferraris et la séance commence dans les conditions habituelles."(cf : l'Afrique Noire précoloniale Cheikh Anta Diop)

Les nombreux documents restants nous renseignent de façon très détaillés sur la vie qu'il y avait dans les grands empires africains. Ainsi pouvons-nous constater l'équilibre qui régissait ces empires, l'organisation sociale, politique, juridique, administrative, militaire et intellectuelle ou tout le monde avait une place prédéterminée. Ces documents et témoignages relatent la vie quotidienne des Africains qui n'était en rien semblable à la conception imaginative idéologique dépeinte par de nombreux Occidentaux.

 

Ainsi pouvons-nous observer que la nomination du roi ne se faisait pas par hasard, ni avec violence, mais dans le respect de certaines traditions propres à l'Afrique noire. Le roi était désigné parce qu'il remplissait toutes les qualités jugées nécessaires à la bonne gouvernance et dans l'intérêt du peuple.

En tant que serviteur et berger de son peuple, le roi avait un certain nombre d'obligations auxquels il devait se soumettre en sa qualité de dirigeant ainsi chez les Mossi, le Moro Naba avait un emploi du temps établit dans les moindres détails et se devait de ne jamais quitter la capitale. Une seule exception eut lieu lorsque, le roi Nasséré face à la menace qui pesait sur son empire pris la route à la tête de son armée pour combattre au Ghana Sonni Ali et Askia Mohammed. 

Il en est de même au Ghana, comme en Égypte où le Kaya-Magha (roi) avait pour impératif la visite de sa capitale tous les matins contrairement au roi du Kaniâga qui lui ne devait jamais quitter son palais. Ces règles qui n'étaient en rien des contraintes pour les rois furent très vite altérées dans le temps par la place importante que prirent les fonctionnaires dans la vie des empires africains et de ceci découla un vent de corruption, et de révoltes populaires.

En Afrique Noire précoloniale(chez les Yorouba, les Dagomba, les Tchamba, les Djoukon, les Igara, les Songhaï, les Wouadaï, les Haoussa du Gobir, du Katséna et de Daoura, les Shillouk, chez les Mboum, en Ouganda-Ruanda, dans l'ancienne Méroë, Égypte antique) un roi malade, ou gravement blessé ne pouvait gouverner. Sa force vitale qui lui permettait d'être le lien entre les éléments étant atténuée, le roi était mis à mort dans un premier temps puis, avec l'évolution cette mise à mort n'était plus directe, mais effectuée sous forme de rituel par le biais duquel on célébrait la mort puis la renaissance du roi, qui retrouvait toute l'énergie nécessaire pour mener à bien son règne.

Au Cayor et au Songhaï en plus de ne pouvoir régner s'il était blessé, le roi et son administration ne prévoyaient pas de successeur si le roi venait à mourir prématurément. Cette situation laissait lors de son avènement le peuple dans un grand désarroi.Tarikh es-Soudan rapporte que : Askia El Hadj (avènement : 7 août 1582) fit emprisonner, à Kanato, Mohammed Benkan sur les conseils de Amar-ben-Ishâq-Bir-Askia. Les trois fils de Benkan, Bir, Kato, Binda, se cachèrent pendant tout le règne d'El Hadj et de Bâno son successeur. Mais ils profitèrent de la période d'interrègne qui sépara la mort de Bâno de l'avènement d'Askia Ishâq II, pour se montrer .impunément et firent tout pour arriver à tuer Amar, responsable de leurs malheurs. Ce dernier, averti à temps, se déguisa pour échapper à une mort certaine qui serait restée impunie. Mais il quitta son déguisement aussitôt après le couronnement du nouvel Askia "car la situation troublée ayant alors pris fin, personne n 'aurait pu dès lors commettre une agression contre quelqu'un". II s'agissait, bien sûr, au Songhaï, de vestiges d'un passé religieux dont les institutions n'avaient pas encore enregistré la mort intégrale. La fonction ontologique du roi n'était pas encore oubliée. Sous l'occupation marocaine, le pacha Ali ben Abd-el-Kader attaqua par surprise, le 19 juin 1632, la ville de Gao ; il fut vaincu par les habitants qui s'emparèrent de son trésor et de sa femme. Ils prirent également le prince Benkan, descendant des Askia, qui l'accompagnait. Mais ce dernier fut traité avec beaucoup d'égards "et les gens de Gao lui demandèrent de venir habiter parmi eux, afin d'attirer sur leurs têtes les bénédictions du ciel."

Cette vision philosophique africaine qui perdura durant plus de 2000 ans, cette conception de l'existence, de la coexistence, de la possibilité, du devenir, du sens de l'être en général, l'essentialité abstraite peut être contestée, mais fut à l'origine de nombreuses réussites et d'autant d'échecs. Mais elle est un fait historique qui ne peut être occulté de l'histoire Africaine car elle explique et justifie beaucoup de choses.

En Afrique Noire le culte, la tradition, et la gouvernance sont intimement liés. La royauté traditionnelle africaine se perd avec la venue des religions ternaires. En effet avec l'Islam et le christianisme, le rôle du roi devient désuet, il n'est plus le prédicateur,  les traditions deviennent obsolètes. L'Islam effacera avec minuties et violences toutes traces de ce qui fut avant son arrivé, l'organisation sociale coutumière est renversée.

Une nouvelle forme de gouvernement dans laquelle le pouvoir, considéré comme émanant de Dieu, est exercé par ceux qui sont investis de l'autorité religieuse (le clergé musulman) et considérés comme les représentants de Dieu sur terre, voit le jour ; le Coran devient le seul repère. Dans tous les royaumes envahis par les musulmans, le Khalifat impose la théocratie, le roi africain n'est plus le représentant de Dieu, seuls ceux qui se soumettront en devenant musulmans seront considérés comme tels. Le clergé musulman gère la religion et les charges administratives incombent au roi. Les traditions, les cosmogonies, les paradigmes tous ces éléments qui faisaient la force de l'Afrique Noire seront bousculés, discrédités, dénigrés, profanés. La société africaine se perdra dans les méandres des nouvelles religions.

Certains nouveaux rois africains ne voient leurs saluts qu'à travers le clergé musulman comme nous l'écrit Cheikh Anta Diop (p69-70) dans son livre "l'Afrique précoloniale" : " Si cette analyse est exacte en ce qui concerne le roi qui a gardé sa religion et qui règne sur un peuple islamisé (exemple : les Damels du Cayor), si elle est pratiquement exacte pour ceux, comme Sonni-Ali (1464) dont la conversion n'était que formelle, elle devient inadéquate pour des rois-prophètes comme les Toucouleur du Sénégal : El Hadj Omar, Hamadou-Hamadou, etc., et dont le précurseur fut celui qu'on peut désigner, dans l'histoire du Songhaï, Sa Majesté très musulmane Askia Mohammed prince des croyants. Il fit un coup d'État en s'emparant du trône après avoir vaincu le fils de Sonni-Ali, Aboubaker-Daou (3 mars 1493) : il institua la dynastie des Askia, sans qu'on sache trop bien l'étymologie de ce terme. Il entretint des relations amicales avec le clergé musulman et les savants de Tombouctou ; contrairement à Sonni-Ali, il s'appuie sur eux pour gouverner en leur demandant conseil sur toutes les décisions importantes à prendre. En protégeant les croyants, il s'attira leur éloge. On peut presque le comparer à Clovis protégé par l'Église romaine. Il accomplit un pèlerinage retentissant à La Mecque, accompagné de 1 500 hommes (500 cavaliers et 1000 fantassins). Il amena avec lui une fraction du trésor de Sonni-Ali, 300000 pièces d'or qui étaient en dépôt chez le prédicateur Amar. A son arrivée, il en donna 100000 en aumône aux villes de La Mecque et de Médine et acheta, dans cette dernière, un hôtel qui devait servir de lieu d'accueil aux ressortissants du Soudan. Cet hôtel devait être important, car les frais d'entretien s'élevaient à 100000 pièces d'or. L'Afrique s'ouvrait ainsi à la vie internationale par la voie de ses rois musulmans."

Ce fut aussi le cas de L'Askia Mohammed roi Songhaï, qui vint au pied du Khalife abasside d'Égypte lui demander de faire de lui son représentant au Soudan. Une fois nommé lieutenant spirituel de ce dernier, l'Askia entreprit en bon musulman une guerre sainte contre l'empereur Mossi Nasséré (août 1497-août 1498). Son attitude marque la complète islamisation de l'empire Songhaï et fut bien perçu par le voyageur Tarikh es Soudan qui dira de l'Askia : "Dieu délivra ainsi les musulmans de leur angoisse; il se servit du nouveau prince pour faire cesser les malheurs et les agitations dont ils souffraient. Askia-Mohammed déploya, en effet, le plus grand zèle pour fortifier la communauté musulmane et améliorer le sort de ses membres." Mais de son prédécesseur Sonni Ali qui malgré sa conversion tenta de résister à l'avancé de l'islam en combattant le clergé de Tombouctou Tarikh es Soudan dira : "Quant à ce maître tyran, ce scélérat célèbre (...) c'était un homme doué d'une grande force et d'une puissante énergie. Méchant, libertin, injuste, oppresseur, sanguinaire, il fit périr telle quantité d'hommes dont Dieu seul en sait le nombre. Il persécuta les savants et les pieux personnages en attentant à leur vie, à leur honneur ou à leur considération." Notons que le voyageur Tarikh es Soudan est un fervent musulman. Il ajoute même au sujet de Sonni Ali : "qu'Il avait l'habitude de remettre au soir ou au lendemain ses cinq prières obligatoires ; quand il se décidait à les faire, il se contentait de s'asseoir, de faire plusieurs gestes en nommant les différentes prières; après quoi, s'adressant à ces prières mêmes comme à des personnes, il leur disait : "Maintenant répartissez-vous tout cela entre vous, puisque vous vous connaissez bien les unes les autres."

Le clergé islamique du faire face à une très grande résistance par endroits, mais arrivera à ses fins en discréditant les derniers remparts traditionnels. Mais très vite des divergences éclateront entre rois non islamisé et noble se considérant de "sang pur", des règlements de compte, des guerres intestines que l'on ne voyait pas lors des monarchies traditionnelles apparaîtront.

L'Afrique précoloniale n'a connu que la monarchie (cf: empires d'Afrique) certes démocratique, mais toujours gouvernée par un roi. Cela explique la pensée aristocratique qui habite chaque Africain et sa difficulté à aborder la conception occidentale. Depuis la fin de la monarchie traditionnelle jusqu'à  nos jours l'Africain n'a plus eu son destin, et celui de son pays en main. Les Africains ne connaissent pas le principe de république laïque. La monarchie a fait de chaque Africain un aristocrate qui s'ignore pareil aux bourgeois français d'avant la révolution à la seule différence que l'africain,  réfléchit et agit avec déférence, dans l'intérêt de tous, tout en aspirant devenir un petit ou grand seigneur contrairement au bourgeois méprisant et avare qui lui espère devenir un petit ou grand bourgeois au détriment des autres.

Les grands empires d'Afrique abritaient de grandes agglomérations détribalisées, un haut niveau intellectuel et culturel. On trouvait aussi en périphérie de ces agglomérations dans les régions aurifères, des tribus, encore sous le régime clanique, qui s'ouvraient à peine au mode de vie plus agité, plus évolué des grandes villes africaines comme Tombouctou ou Gao etc.

Voilà ce que trouve l'Occident quand il aborde les côtes de l'Afrique aux XVIème siècle. Une Afrique belle, grande, forte, organisée politiquement, socialement et très riche tant sur le point de vue des matières premières que sur le point vue des connaissances.

Très vite le destin de l'Afrique basculera entre les mains des Occidentaux qui la pilleront de toute sa substance, et dans tous les domaines. Le roi perd de sa valeur, de Sa Grandeur, il est même remplacé par des hommes blancs portant des noms africains. L'Africain passe d'être humain accompli dans la conscience de ses ancêtres et de ses dieux à " objet", esclave, victime des pires sévices. Toutes tentatives si grandioses soient-elles de résister seront écrasées dans le sang. Alors, l'Africain se perdra, régressera, son avancé vers la sagesse sera stoppé. Les clans situés en périphérie des grandes villes se replieront sur elles-mêmes et se renforceront dans leur tribalisation face à la menace occidentale. Cet état clanique perdurera jusqu'à nos jours à la plus grande joie des ethnologues. L'Afrique clanique survivra contrairement à l'Afrique monarchique qui ne laissera que très peu de traces.

 

 shenoc le 17/04/2008

 

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