La Stèle d'Iritisen

 

Le scribe Iritisen, fils de sa mère Idet s'est toujours vanté d'avoir connu la perfection dans la création artistique, il maitrisait les secrets et les modèles ancestraux. Il se présentait comme le chef supérieur des artistes et sculpteurs, qui fût initié aux mystères des textes sacrés, " je connais les mystères des écrits sacrés" disait-il; et cette instruction lui permettait lors des fêtes religieuses de conduire les cérémonies. L'art égyptien entretenait des liens très profonds avec la maât à savoir la beauté, vérité, pérennité, la puissance divine. L'expression du mouvement (courir), le pied gauche toujours en avant (Statues égyptiennes), des sentiments chez les êtres humains (crainte sur le visage des ennemis), les animaux ( positionnement), la détrempe ( laver un dessin), la  fabrication des pigments ( consistait à ne pas les cuire, ni les mouiller en vue de les amoindrir à l'eau), constituaient l'immense connaissance technique de l'artiste Iritisen . Iritisen à vécu pendant la transition entre la peinture et la sculpture, il contribua à l'émergence des  grandes écoles de sculpture à thébes, aucun artiste ne pouvait rivaliser avec lui excepté son fils, dont l'initiation débutera sous l'ordre du pharaon lui-même ( " le dieu (Pharaon) a décrété qu'il fasse et que je lui révèle"), il deviendra expert, et occupera aux plus hauts niveaux de l'administration royale le poste de directeur des travaux.

La représentation artistique de l'Oeil chez les Égyptiens, est de nous faire découvrir ce que l'artiste voit en même temps qu'il le voit, défini comme : "un oeil regarde son semblable, son vis-à-vis" par Iritisen.

De Théophile Obenga Ankh N°3" Dans le cas de l'oeil, l'artiste égyptien répugne à représenter un oeil en raccourci, c'est à dire réduit à un triangle curviligne.Recherchant l'harmonie de son motif, l'artiste égyptien, talentueux géomètre en cela, dessine l'oeil exactement de même dans un visage de face que dans un visage de profil : l'oeil est largement fendu et le dessin du sourcil suit celui de l'oeil. Cet"oeil artistique " est ainsi l'aboutissement de toute une géométrie : le scribe ne l'obtient qu'en se déplaçant de manière à avoir chaque point de l'oeil qu'il copie, exactement au bout de son propre rayon visuel".

 

Les méthodes de travail des artistes suivaient le canon des proportions suivantes comme nous le dit Marcel Baud, dans son livre le caractère du dessin en Égypte, paris, 1978: " les carreaux de proportion, grâce auxquels les scribes établissaient leurs motifs sans erreur, étaient à l'ancien empire de dix-neuf, auxquels s'ajoutaient la hauteur de la calotte crânienne et cela jusqu'à la XXVIe dynastie, à partir de laquelle on compte vingt-deux carreaux".

La rareté des traités d'art égyptiens n'exprime en rien le manque d'artistes  dans la grande métropole noire, car, la stèle d'Iritisen nous démontre clairement le contraire  de ce qu'on à voulu nous faire croire, dans des rédactions mal avisées au sujet de l'esthétique égyptienne ; les artistes ont vécu, travaillé en Égypte antique la sagesse de Ptahhotep (Ancien Empire, 2780-2280 av notre ère) nous le confirme" il n'existe pas d'artiste qui atteint la perfection".

Pour ce qui est de l'intérêt de quelques auteurs :

Henry Madsen écrit :"Les renseignements fournis par la stèle sur la vie et les méthodes de travail d'un sculpteur égyptien de la XI dynastie sont d'un très grand intérêt. La stèle présente, sans comparaison, le récit le plus important et le mieux documenté que nous possédions sur cette classe d'artisans, les premiers et les plus habiles de l'ancienne Égypte, les maîtres de tant de chefs-d'oeuvre de l'art". H. MADSEN, L'autobiographie d'un sculpteur égyptien, in Sphinx, tome XII.

Marcel Baud en 1938 à la suite de son étude qualifie l'artiste Iritisen de "cimentier émaillé "Le métier d'iRITISEN", in Chronique d'Égypte (Bruxelles), janvier 1938.

La définition d'Hegel du beau artistique correspond tout à fait à la vision  profonde de l'Art de  l'Égypte antique , basé sur les principes de la maât, la parole du sacré de la vie humaine , avec pour conséquence, le lien au divin, aux temples, aux rois, aux rites... : "le Beau artistique est "supérieur" au beau naturel "parce qu il est un produit de l'esprit" ; l'Art est ainsi "une forme particulière sous laquelle l'esprit se manifeste. Nous recherchons donc "la vérité" dans l'Art, car l'apparence créée par l'Art est "un moment essentiel de l'essence". Et "la plus haute destination de l'art est celle qui lui est commune avec la religion et la philosophie. Comme celles-ci, il est un mode d'expression du divin". Dès lors, l'Art véritable, l'Art essentiel, contient en lui le spirituel : "L'activité artistique porte donc sur des contenus spirituels représentés d'une manière sensible." (voir G. W. F. HEGEL, esthétique, Tome Premier, L'idée et l'idéal, trad. par J. G., Paris, Aubier, Editions Montaigne, 1944, chapitres I et II, pp. 7-95).

"L'Égypte est le pays des symboles (...).. Les Égyptiens sont le peuple artistique par excellence" (G. W. F. Hegel, Esthétique, Tome II, Développement de l'idéal et sa différenciation en forme d'art particulière, Paris, Aubier, Editions Montaigne, 1944.

Platon lors de ces études en Égypte vouait le culte de l'Art égyptienne en ces termes " Le canon esthétique égyptien est immuable, éternel, sûr de lui : "// n était permis ni aux peintres, ni à aucun de ceux dont c' est par ailleurs le métier, de produire des attitudes ou encore quoi que ce fût d'analogue, de s'écarter de ces modèles en ouvrant de nouvelles voies, pas même d'imaginer rien qui différât des représentations traditionnelles" (PLATON, Lois, II, 656e) (...)"Du reste, à examiner les peintures et les sculptures qui ont été faites dans ce pays il y a dix mille ans (et quand je parle de dix mille ans, ce n'est pas une façon de dire, mais bien ce qui en est réellement), on se rendra compte que, comparées à celles qui sont l'oeuvre des artistes d'à présent, elles ne sont en rien ni plus belles, ni plus laides, mais qu'elles attestent la même technique" Platon, Lois, II, 656e - 657 a.

Une telle permanence de la technique artistique égyptienne est proprement l'oeuvre d'une Divinité en convient Platon Lois, II,.

Théophile Obenga

 

La Stèle d'Iritisen

La Stèle d'Iritisen ou Irty-Sen (lu successivement Arouisen en 1909 par Madsen, puis Mertisen en 1914 par Sottas, Iri-Irou-Sen par Eggebrecht en 1986) mesurant 1 m 17 de haut sur 56cm de large, tout en calcaire, courbée en arc au sommet ,est actuellement au Musée du Louvre, à Paris portant le N° C14. La stèle d'Iritisen est vieille de 4000 ans, dès la première ligne de l'inscription il est mentionné le nom des Moutouhotep, rois de la XIe dynastie ( moyen empire). Elle est le plus vieux document écrit de l'humanité exprimant la conception de l'Art du Beau .

La Stèle d'Iritisen  est composée de trois parties de dimensions différentes :

- Une partie composée de 15 lignes d'hiéroglyphes d'une hauteur de 70 cm: ( texte, et traité).

- La deuxième représente Iritisen et sa famille ou nous pouvons voir en dessous derrière, Iritisen sa femme Papou, ses enfants, puis  trois fils, une fille et le fils de celle-ci faisant des offrandes à leurs parents , sans oublié le fils ainé en tête du cortège.

- Avec 23 cm de haut nous pouvons voir à la base de la stèle, Iritisen ( juste de voix ) et sa femme Hapou ( juste de voix, qu'il adore ) assis dans une chapelle aux battants ouverts, devant eux  et pour eux des offrandes ( Pains, volailles, veaux, bières...)  amassées, placées au-dessus d'une table supportant le pain rituel.

La Stèle d'Iritisen

Traduction de Théophile Obenga Ankh N°3 ligne 8 à 15

8- Dailleurs je suis un artiste accompli dans son art,renommé au plus haut point dans sa science, je connais les formules pour épaissir,

9- comment doser suivant les règles,découper, faire entrer comme il doit en sortir et entrer, je sais comment l'allure d'une statue d'homme

10- le pas d'une statue de femme, l'attitude, l'oiseau pris au piège, l'élan pour assommer, un captif; comment un oeil regarde son vis-à-vis; l'expression de crainte sur le visage de l'ennemi" le visage de l'ennemi défigurer par la peur".

11-Le lever du bras de celui qui harponne un hippopotame, l'allure de celui qui court, je sais comment faire des pigments, substances,

12- A appliquer sans les faire brûler au feu ni les laver à l'eau non plus, le dieu ' pharaon) a ordonné qu'il fasse et que je lui révèle

13- Il n'y à personne qui peut révéler cela excepté moi avec mon propre fils ainé

14- J'ai vu des oeuvres de ses mains dans sa fonction de directeur des travaux en tout matériau précieux depuis l'argent et l'or.

15- jusqu'à l'ivoire et l'ébène.

Iritisen a été le premier artiste de l'humanité à s'exprimer par l'écrit sur son art, il y a 40 siècles, il a tenu à nous présenter lui même l'immensité de sa technique, de son métier, n'est-ce pas là faire preuve de grandes capacités intellectuelles et de maitrises techniques.

 

 

 

 shenoc le 1O/11/2008

 

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