La Révolte des Zanj

 

Trop longtemps on a voulu faire croire que la présence des Africains de par le monde était exclusivement due à l'esclavage alors qu'en réalité, elle est due en grande partie à une migration. Il est aussi un autre fait avéré: les Africains se sont toujours farouchement opposés à l'esclavage. Ils se sont toujours battus pour leur liberté, pendant et après les razzias, en Afrique et hors d'Afrique.

Un exemple, celui des Zanj d'Irak à qui l'on accorde la plus grande révolte d'esclaves. Zanj était le nom que l'on donnait en Irak aux esclaves noirs africains originaires de l'Afrique Orientale, (de l'Éthiopie, du Kenya, du Malawi, et surtout de Zanzibar, île d'où vient le mot Zanj). Il y a plus de mille ans, ces esclaves étaient présents en Irak en grand nombre (une dizaine de milliers) et étaient exploités dans les marais salants situés au Sud du pays.

L'historien Runoko Rashidi dans son livre Histoire millénaire des Africains en Asie, nous dit concernant les conditions de vie de ces esclaves: "les travailleurs Zanj extrayaient les couches arables et en évacuaient les tonnes de terre pour planter, dans la couche inférieure moins saline du sol, des cultures qui, à l'instar de la canne à sucre, requièrent un labeur intense. Avec pour toute nourriture de faibles portions de farine, de semoule et de dattes, ils étaient en conflit permanent avec le système esclavagiste irakien."

A trois reprises (entre le 7e et le 9e siècle), les Zanj se révolteront contre les traitements inhumains que leur font subir les Arabes. Durant une de ces révoltes, qui dura de 868 à 883, les Zanj infligèrent de sévères défaites aux armées du Califat. Cette insurrection fut nommée "Révolte des Zanj" ou "Révolte des Noirs".

Très vite les soldats noirs à la solde du Califat Abbasside de Bagdad vinrent se ranger aux côtés des Zanj et ensemble, massacrèrent une grande partie de leurs anciens oppresseurs. La révolte des Zanj s'étendit jusqu'en Iran et à une centaine de kilomètres de Bagdad. Les esclaves d'hier devenus libres construisirent leur capitale qu'ils nommèrent Moktara (qui signifie la cité Élue). Moktara devint une grande capitale prospère. Les Zanj fabriquaient leur propre monnaie qui domina bientôt tout le Sud de l'Irak.

Devant une telle résistance des Zanj, les autorités arabes seront contraintes d'offrir amnistie et très forte récompense à tout esclave qui se rendrait, réduisant ainsi le nombre d'insurgés. Les Arabes, pour anéantir complètement ce soulèvement, enverront aussi un plus grand nombre de soldats combattre les Zanj.

Ceci n'est qu'une histoire parmi tant d'autres qui montre la volonté qu'a toujours eue le noir africain de se battre contre l'oppression, contre cette volonté constante qu'ont eue les autres peuples de le maintenir à l'état d'objet, de faire de lui un non-être, de lui ôter jusqu'à son histoire. La résistance est le mot clé qui décrit toute la vie du noir africain. Même si on ne veut lui attribuer qu'un passé néfaste, force est de constater qu'ils se sont toujours battus dans la dignité pour exiger leurs droits humains inaliénables.

 

Comme nous le savons l’Histoire du monde noir telle qu’elle est enseignée aujourd’hui est truffée de mensonges, d’idéologie suprématiste occidentale et de falsifications tenaces qui ont la dent dure.

Un de ces mensonges historiques éhonté, qui se maintient encore aujourd’hui, tant au niveau des études universitaires qu’au niveau du grand public, concerne cette population africaine appelée Zanj.

 

L’on connait les Zanj surtout à travers deux évènements, deux phénomènes. Le premier phénomène à travers lequel est lue l’Histoire des Zanj est celui de l’esclavage. A tel enseigne que pour le commun des mortels l’équation « Zanj=esclave » sonne comme une vérité révélée.

 

Le deuxième évènement qui marque de façon épidermique l’Histoire des Zanj n’est autre que la série de révoltes que ces derniers conduisirent, entre 869 et 883, contre le pouvoir califal des Abbassides dans la région de Bassorah (Irak).

 

La vision que l’on se fait de l’Histoire des révoltes Zanj prend source dans les travaux de l’historien Abu Ja'far Muhammad ibn Jarir al-Tabari (838-923) à travers son emblématique ouvrage « Tarikh al-Rusul wa al-Muluk» [Histoire des prophètes et des rois]. Le volume 36 traitant exclusivement de « la Révolte des Zanj ».

 

C’est la plus vieille et la plus riche source que nous possédions traitant des révoltes des Zanj durant le 9ème siècle. A partir de ce livre beaucoup d’historiens eurocentrés, et idéologisés ont forgé toute une mythologie esclavagisante autour des Zanj.

Tabari lui-même ne dit en aucun cas que ces Zanj sont une armée d’esclaves se soulevant contre le pouvoir califale. Il invoque des raisons commerciales, économiques à ces soulèvements. Notamment le fait que les Zanj contrôlaient six (6) grandes villes immensément riches, avec ses bateaux, ses usines, ses armes, ses villas et palais, etc. Tout cela  échappant totalement au contrôle du pouvoir central des Abbassides.

 

C’est ce que confirme d’ailleurs le Dr M. A. Shaban dans son livre «Islamic History : A new interpretation. Volume 2» : "Ces villes avec leurs montagnes de richesses, produisaient infiniment plus de bénéfices que les marais salants. Même la somme des butins de Bassorah et de toute sa région ne suffisait pas à faire face à cette immense richesse générée par ces villes. Les révoltes [des Zanjs] furent soutenus du début à la fin par ces puissants marchants. Tabari a très clairement montré que la force de ces révoltes dépendait du soutien de ces marchants."

 

Il s’agit bel et bien des révoltes d’une population richissime contre un pouvoir califal abbasside autoritaire et accessoirement négrophobe qui tentait de faire main basse sur la fortune de ces populations noires.

 

Au début du 20ème siècle, aux USA à Greenwood dans la ville de Tulsa (Oklahoma), nous avons assisté au même phénomène. Greenwood était connue sous le nom de « Black Wall Street » tant les Noirs y étaient riches comptant même plusieurs millionnaires qui eux-mêmes possédaient des avions personnels. En 1921 des émeutes éclatèrent dans la ville. Emeutes initiées par le pouvoir raciste blanc dont le bras armé n’était rien d’autre que le Klu Klux Klan. La ville fut totalement incendiée. Une telle richesse d’hommes et de femmes Noirs était insupportable aux autorités racistes en place.

 

Si le terme Zanj a été assimilé au fur et à mesure de la falsification historique à « esclave », originellement ce terme désignait une population noire de l’Est du continent Africain. Pour faire court disons que les Zanj représentent les Bantou. Cette population Bantou de tout temps commerçait avec une autre population noire, les Arabes. On pourrait dire qu’Arabes et Zanjs sont deux populations authentiquement noires mais ethniquement différentes ? Comme les Khoï de Namibie et les Sara du Tchad qui sont toutes les deux noires mais d’ethnies différentes.

 

Contrairement aux allégations des historiens falsificateurs et racistes, les Zanj qui résident en Perse ou en Irak ne sont pas des esclaves importés d’Afrique, mais des migrants qui s’y sont installés voilà des millénaires. Au point d’y faire souche.

 

L’Historien négro-irakien Al-Jahiz (781 –869) dans son mythique ouvrage  « Risalat mufakharat al-sudan 'ala al-bidan » [Livre de la supériorité des Noirs sur les Blancs] nous donne des indications factuelles sur la réalité historique des Zanj : « Nous avons conquis le pays des Arabes jusqu’à la Mecque. Nous les avons dominés et gouvernés. Nous avons vaincu Dhu Nowas[Roi juif Yéménite] et tué tous les princes Himyarites. Mais vous les Blancs vous n’avez jamais conquis notre pays. Notre peuple, les Zanj se sont révoltés 40 fois dans l’Euphrate, chassant les gens de leurs maisons et faisant un bain de sang à Oballah».

 

Il ressort de ces témoignages que les Zanj du Golfe persique étaient à la fois de redoutables conquérants et de riches commerçants. Très loin de l’image de l’esclave véhiculée par les falsificateurs tel l’historien français Alexandre Popovic qui a notamment écrit « Ali b. Muhammad et la révolte des esclaves à Basra» (1965), ou encore « La révolte des esclaves en Iraq au IIIème/IXème siècle » (1976).

 

D’ailleurs, le nom que l’on donnait à l’Afrique du Sud durant la période de lutte contre le régime d’Apartheid, était Azania. Or Azania dérive de Zanj et signifie « pays des Zanj ». Cela corrobore les faits historiques qui font des Zanj une population Bantou très guerrière et non un groupe d’esclaves soumis par de prétendus « Arabes Blancs ». Etonnant quand on apprend des dires mêmes des falsificateurs historiques, comme Alexandre Popovic, que ces révoltes de Zanj ont mobilisé entre 500 000 et 2 500 000 personnes. On a peine à croire que les Califes Abbassides en si peu de temps aient pu constituer un « cheptel humain » si conséquent. Il est manifeste qu’il s’agit de populations Zanj vivants dans ces régions d’Iraq et non de contingents d’esclaves kidnappés en Afrique.

 

Soulignons également que le chef de ces révoltés qui s'appelait Ali Ibn Muhammad, fut élevé au statut de chef parce qu’il était un descendant du prophète Muhammad par sa fille Fatima Zahra qui était mariée au quatrième calife rachidoun (bien guidé) Ali ibn Abou Talib. Difficile de croire qu’en si peu de temps les descendants du prophète Muhammad soient devenus esclaves. Certaines sources indiquent même qu’Ali ibn Muhammad promettait des esclaves à ses partisans. Or à cette époque les esclaves venaient non pas d’Afrique mais d’Europe. Ce sont les fameux Saqaliba (Slaves) qui étaient vendus dans le monde arabo-musulman par les commerçants internationaux Radhanites.

 

Il ressort de tout cela que nous avons affaire à une vaste entreprise de falsification de l’Histoire des Noirs des régions d’Iraq et de Perse. Il est de notre devoir de rétablir la vérité et la dignité de nos ancêtres Zanj d’Orient. Encore aujourd’hui leurs descendants subissent l’avanie, le racisme, et la haine négrophobe des descendants des vainqueurs.

 

Il ne peut y avoir de panafricanisme réel si nous rejetons cet héritage culturel Zanj, si nous ne rétablissons pas la vérité historique et si nous abandonnons à leur sort misérable nos frères et sœurs des régions iraquiennes à qui les falsificateurs leurs ont volé la mémoire et la dignité.

 

 Shenoc  le  03/07/2008.

 

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