L'Éclosion de la Civilisation Pharaonique  

 

 

Les Éthiopiens disent que les Égyptiens sont une de leurs colonies qui fut menée en Égypte par Osiris. Ils prétendent même que ce pays n'était au commencement du monde qu'une mer, mais que le Nil entraînant dans ses crues beaucoup de limon d'Éthiopie, l'avait enfin comblé et en avait fait une partie du continent. Ils ajoutent que les Égyptiens tiennent d'eux, comme de leurs auteurs et de leurs ancêtres, la plus grande partie de leurs lois; c'est d'eux qu'ils ont appris à honorer les rois comme des dieux et à ensevelir leurs morts avec tant de pompe; la sculpture et l'écriture ont pris naissance chez les Éthiopiens (Diodore, Livre 3). ...

Diodore de Sicile nous confirme à travers ses écrits que la grande Égypte, qui a abreuvé la civilisation grecque et bien d'autres, trouve ses racines en Nubie (Soudan). Les prémices de cette colonisation voient le jour à travers la pêche, activité qui marqua la période pharaonique de l'Égypte (d'environ - 4000 (Nagada I) au 4ème siècle avant notre ère).

En effet des découvertes archéologiques réalisées dans la région des Grands Lacs ont permis de découvrir des vestiges d'un peuple de pêcheurs datant du 10ème millénaire. Des hameçons, des filets, des ossements de poissons, des vanneries, des poteries, etc., confirmaient l'efflorescence de cette culture vers le 7ème millénaire. Cette culture se répandra au gré des courants et de la transgression lacustre au cours du Late Stone Age, depuis les Grands Lacs vers la Nubie, le Soudan, l'Égypte et le Sahara (le Nord de l'Afrique). Les Caspien Kenyan (excellents tailleurs d'obsidiennes*) sont issus de ces peuples migrateurs noirs. L'obsidienne fut utilisée en Égypte sous forme d'instruments chirurgicaux lors de l'embaumement des défunts.

Ces peuples à l'origine de cette migration pêchaient le poisson et ramassaient les coquillages à l'aide de vanneries qu'ils faisaient cuire dans des poteries qu'ils fabriquaient et dont on retrouve les traces en Nubie, au Shamarkien vers -5750 avant notre ère. Ils chassaient les tortues et les crocodiles tout ceci à l'aide de paniers, harpons (en os), de filets et de lances. Ces nombreux vestiges ont été retrouvés aux abords des Lacs Nakuru, Rodolphe et Édouard. On retrouve le long du Nil plusieurs foyers dont la base économique est essentiellement fondée sur des ressources halieutiques.

Cette population qui fut appelée les “Rekhyt”* à l'époque dynastique et que bien des chercheurs ont nommée "Nilotiques Primitifs", est la plus ancienne en Égypte. Ils sont les premiers habitants des abords du Nil bien avant les éleveurs ou les agriculteurs. Ils seront plus tard désignés sous le nom de la “Plèbe”*. On retrouve sculptés sur la massue du roi Scorpion des vanneaux emblèmes des pêcheurs montrant ainsi l'importance qu'ont ces premiers habitants. Ainsi, la massue, instrument de pêche servant à fracasser la tête des grands poissons, devenait le symbole du pouvoir en Égypte pharaonique. Le parcours de ces habitants est mis en avant sur bien des peintures rupestres.

Massue du Roi Scorpion

Des pêcheurs Nubiens ont introduit en Égypte pendant la période prénéolithique et néolithique plusieurs méthodes de pêche, car ne l'oublions pas se sont eux les premiers qui peuplèrent les plaines alluviales du bas Nil (Nord). Le déplacement vers l'Égypte de ces populations qui vivaient depuis l'époque de Khor Musa (- 20 000 avant notre ère) de la pêche, est due à une période d'assèchement progressif qui eut lieu vers - 5000 en Afrique Orientale. On pense que ce même évènement pourrait aussi être à l'origine de la diminution de la pêche en Nubie.

La construction du barrage d'Assouan a permis d'approfondir les recherches entre la 1ere et la 3e cataracte. Ces fouilles ont mis à jour de nombreux vestiges ayant permis d'aboutir à la conclusion suivante: les pêcheurs nubiens sont antérieurs et ce sont leurs technologies et leurs modes de vie sociale que l'on retrouve chez les Égyptiens. C'est en effet en Nubie (à Qostul et à Ballana) que sont attestées les plus anciennes manifestations de vie végétarienne et par la même les prémices d'une vie agricole (période située entre -10 000 et -5000 ans).

Cette migration ne pouvait avoir lieu ni avant cette période ni dans un autre sens (du Nord vers le Sud) car comme le confirment les études paléoclimatologiques, l'Europe était encore recouverte de glacier et la moitié Nord de l'Afrique était occupée par un immense désert, deux climats impropres aux développements de l'homme. Ce n'est qu'à partir de -15000 ans que ce désert dit Tardiglaciaire entamera son recul du Sud vers le Nord permettant ainsi à l'homme, qui avait quitté les forêts équatoriales et tropicales pour les abords du Nil, de migrer vers le Nord c'est-à-dire la Nubie, l'Égypte et le Sahara. Laissant ainsi des traces de leurs exploitations des cours d'eau, mais on sait aussi grâce aux restes d'ossements retrouvés à Khartoum (au Malakien), que les pêcheurs soudanais élevaient des chèvres, pratique que l'on retrouvera plus tard en Égypte.

On retrouve aussi les prémices de la connaissance de l'agriculture et de la construction de huttes à Khartoum et à Es-Shaheinab. Le Soudan et la Nubie seront les foyers d'un développement culturel et technologique. L'emploi de divers instruments du type houe, gouge, meule, broyeur, retrouvés autour des lacs Rodolphe et Édouard et les poteries aux surfaces lissées, rouges à bord noir découverts dans les "Catfish caves" à Khartoum attestent de ces faits. Les restes de poissons, de hameçons, de harpons à barbelures et de microlithes montrent que ce foyer nilotique était sédentaire et vivait exclusivement de la pêche.

Les poteries (classe P et B29) ainsi que la tête de massue, les gouges, les harpons à barbelures et le filet ne feront leurs apparitions en Égypte qu'aux environs du 5e millénaire. La Nubie (particulièrement les Abkiens) portera donc, certes en améliorant les technologies utilisées, le savoir acquis auprès des soudanais nilotiques vers l'Égypte Finistère. L'influence Abkienne se confirme quand sont découvertes dans les tombes Badariennes (B22b et B25f) des coupes à bord noir. Les Abkiens, rappelons le, sont des Nubiens qui divulguèrent la culture soudanaise des pêcheurs de Khartoum. Il existe de nombreuses similitudes entre les décors des poteries de l'Égypte gerzéenne et ceux des tessons datant de la période néolithique trouvés à Khartoum. Autre preuve de cette migration depuis les Grands Lacs vers l'Égypte, les pointes des flèches à base concave du Fayoum que l'on retrouve en grand nombre en Nubie, à Nabta Playa dès le 6ème millénaire.

Si les premiers peuples auteurs de la civilisation égyptienne sont agriculteurs, il n'en reste pas moins que l'on retrouve à travers leurs modes de vie le leg des pêcheurs qu'ils ont été avant. Les nombreux hiéroglyphes représentant les images et les outils liés à la pêche en attestent. Les contrepoids des filets de pêche des Ténéréens, qui seront plus tard utilisés pour la chasse par les Égyptiens, et les gouges inventées à Khartoum et améliorées à Es-Shaheinab, seront apportés par les pêcheurs jusqu'à Fayoum. Dans les cultures épipaléolithiques égyptiennes, le Sébilien et le Silsilien, apparaissent des éléments tels que des triangles, des trapèzes, des segments de cercle, tous vestiges de la période microlithisme nubio-soudanaise, inventés ou améliorés par les pêcheurs du début du Late Stone Age. L'Égypte méridionale et la Thébaïde furent peuplées par les pêcheurs venant de Khartoum et d'Es Shaheinab par le Ténéré (Sud-Ouest).

Les pointes de flèche, les épingles en cuivre, les couteaux en silex et les instruments de pêche des Égyptiens de la période badarienne montrent le lien évident qui existe entre les Égyptiens de la période néolithique et prédynastique et les pêcheurs noirs des Grands Lacs et du Soudan.

Nous savons que les bases de la renaissance égyptienne furent établies lors de la XXVe dynastie qui était entièrement nubio-soudanaise. Le titre d'épervier de Nubie était attribué au pharaon d'Égypte et aux rois nubiens (Soudan) et ce jusqu'à la fin de l'empire égyptien. Le Livre des portes vient confirmer ces faits. En effet sur la tombe de Sethi 1er on pouvait lire ceci sur les colonnes 24 à 31: "destinés aux Nehesiou (Nubio-soudanais): ils sont nés en faveur d'Horus, c'est lui qui protège leurs âmes, j'ai cherché mon œil et vous êtes venus à l'existence conformément à votre nom."

Dans le livre de Cheikh Anta Diop "Volney et le Sphinx", le très grand Theophile Obenga nous dit ceci: "Et ce n'est certainement pas par hasard si les Égyptiens eux-mêmes ont toujours accordé la préséance au pays du Sud, à la Haute Égypte, dans leur compréhension du "Double-Pays", la Haute et la Basse Egypte. Le roi égyptien est d'abord roi de Haute Égypte. Les anciens Égyptiens s'orientaient en ayant le Sud, la Haute Egypte, la Nubie devant eux, et le Nord, la Basse Égypte, le Delta derrière eux. De telles traditions confirment l'antériorité historique et culturelle de la Haute Egypte par rapport au Delta: ce que soutiennent parfaitement la physique et l'archéologie préhistorique."

Les Dieux égyptiens étaient sortis de leurs sanctuaires et promenés vers le Sud. Le pharaon noir Thoutmosis restaurera un sanctuaire que Sésostris III avait fait ériger à El Lessiya (et sur l'île de Uronarti, en Haute-Nubie) et y ajoutera les mentions suivantes: "Ma Majesté, ayant trouvé le temple très ruiné, agit alors comme un fils aimant son père, après qu'on l'eut élevé pour devenir l'Horus, le Dedoun, seigneur de ce pays du Sud" (la Nubie).

On voit à travers le culte de Dedoun et de bien d'autres divinités les liens évidents qui existent entre les Égyptiens anciens et les Nubiens. L'Égypte antique, peuple noir qui rendait toujours hommage à leurs ancêtres les Nubiens.

Cheikh Anta Diop dans son livre "Civilisation ou Barbarie" ajoute: "(...) le terme égyptien qui désigne la royauté signifie étymologiquement:(l'homme) «qui vient du Sud»(...) nsw < n y swt = qui appartient au Sud = qui est originaire du Sud = le roi de l'Égypte, et non pas seulement le roi de la Haute-Egypte. Tandis que Biti = roi de la Basse-Egypte et n'a jamais signifié roi tout court, c'est-à-dire roi de la Haute et de la Basse-Egypte, roi de l'Égypte entière.

Une lecture fautive qui prendrait les signes hiéroglyphiques dans l'ordre apparent ci-dessus, et qui a dû très probablement se faire à une époque ou une autre, donnerait: Souten > Soudan (?). Maintenant, on comprend mieux pourquoi l'Égyptien s'oriente vers le Sud, le cœur de l'Afrique, pays de ses origines, pays de ses ancêtres, «pays des Dieux (...)»

La Nubie est étroitement liée à l'Égypte et au reste de l'Afrique noire. Les Grecs, élèves (Hérodote, Diodore, Strabon etc.) des Égyptiens anciens, nous ont laissé de nombreux témoignages à ce sujet confirmant ainsi que les noirs égyptiens, premiers habitants du haut Nil étaient ceux qui avaient peuplé les premiers la plaine alluviale du cours inférieur du Nil et les plateaux sahariens.

Les fouilles et recherches archéologiques entreprises ces dernières décennies n'ont pu récuser cette affirmation. Malgré les nombreuses controverses idéologiques parmi les archéologues modernes, la thèse du savant Cheikh Anta Diop est l'unique thèse qui, de par sa minutieuse recherche de la vérité historique, s'applique conformément aux faits historiques.

 

 

  D'après les  recherches de Babacar Sall: Des Grands Lacs au Fayoum, L'Odyssée des pêcheurs; revue Ankh 12/13

*Les obsidiennes sont des roches volcaniques vitreuses, homogènes, de diverses couleurs.

* halieutique: qui concerne la pêche

*les Rekhyt: se dit d'un égyptien ancien habitant au Nord de la première cataracte et vivant de l'eau du Nil.

*la Plèbes: signifie la foule, la masse populaire.

 

 Shenoc le 26/10/07

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