Nous savons que la vallée de l'Indus fut construite par des Dravidiens (éthiopiens) durant le troisième millénaire avant notre ère. Cette puissante civilisation noire qui couvrait une surface plus vaste que Sumer et l’Égypte antique réunies, prospéra durant plus de mille ans.

Si le déclin de cette société fut attribué à une diminution des possibilités agricoles, il fut surtout précipité par les invasions à répétition de peuples Aryens épris de guerres et de destructions. En 800 avant notre ère, ces peuples aryens envahiront le Pakistan et le nord de l'Inde, baptiseront les territoires acquis "Aryavarta" et y instaureront le principe de caste encore en vigueur à l'heure actuelle. Ces castes sont érigées avec des classifications racistes, en effet, est privilégiée la race aryenne, c'est-à-dire blanche, et se retrouvent au bas de l'échelle les noirs.

De cette injustice naîtra l'Hindouisme, dont les "Intouchables" ou "Dalits" (qui signifie écrasé, brisé) seront les victimes, car, en effet, est considérée comme intouchable pour les hindous, une personne qui dans sa vie antérieure, aurait commis un grand nombre de pêchés. On naît noir Dalit parce que l'on fut mauvais. Les hindous n'avaient pas de mots assez dégradants pour qualifier les "Intouchables".

Etaient appelés "Intouchables" les noirs qui exerçaient les plus basses besognes dites "impures" telles que le ramassage des détritus, des cadavres (humain ou animal). Ces femmes et ces hommes se nourrissaient de restes et revêtaient les habits des morts.

Ces conditions de vie ont engendré la pauvreté, l'humiliation et bien d'autres maux pour les Sudra, les Dalits et les hors-castes. Logés dans des baraques de fortune, ils avaient interdiction de déambuler sans motif réel dans les villes. Ils devaient se signaler à l'aide d'un tambour, leur ombre était considérée comme néfaste. Ils devaient s'attacher au cou une coupe de façon à ce que leur salive ne souille pas le sol et marcher avec un balai noué au dos pour effacer toute trace de leur passage dans la ville. L'accès aux temples hindous, aux puits publics leur était formellement interdit. Toute forme d'apprentissage (lecture, écriture) visant à leur apporter une amélioration dans la vie leur étaient aussi interdite.

De nos jours la situation des Intouchables n'a guère évolué, les hindous continuent à les humilier, le taux d'alphabétisation est inférieur à 16 %. Ils sont parqués aux abords des villes dans des bidonvilles lugubres et sont dans les campagnes où ils habitent en plus grand nombre, exploités dans des fermes agricoles. Ils sont victimes de nombreux crimes commis par les hindous qui nourrissent encore une haine farouche à l'égard des intouchables. Ils les affublent de tous les maux et leur infligent toutes sortes d'humiliations et de sévices (coups, viols, brûlures, meurtres, etc.). La justice n'est que très rarement rendue en faveur des Intouchables même quand il y a flagrant délit. Pour exemple le massacre de 14 Intouchables perpétré en 1982 dans le village de Kestara se solda par l'acquittement des accusés qui avaient agi en plein jour.

L'Inde compte environ 200 millions d'Intouchables (Dalits, Hors castes, Scheduled Castes) en grande majorité des noirs, qui au début des années 20, décideront de prendre en main leur destin. C'est aux côtés du Dr Bhim Rao Ambedkar, figure emblématique né Intouchable que se mettra en place la nouvelle organisation Intouchable qui prendra en main la vie sociale, éducative et politique des Hors castes, ("il y aura des parias aussi longtemps qu'il y aura des castes," il déclara courageusement que: "rien ne saurait émanciper les parias si ce n'est l'éradication du système des castes"). En 1956 ils étaient plus de 500 000 Intouchables, Dr Bhim Rao Ambedkar prônera le retour au Bouddhisme en Inde. La même année ce pionnier qui fut ministre sous le gouvernement Nehru, où il rédigea la Constitution Indienne et à l'origine de la création d'un parti politique pour les Intouchables, décéda.

Les intouchables, Dalits, seront très vite conscients de leurs racines africaines et mènent un même combat que celui des autres noirs de la planète, un combat contre l'oppression et l'injustice. Ils relayeront à travers leur communauté toutes les avancées, tous les combats entrepris dans le monde ainsi des personnalités comme Malcom X, Dr. Martin Luther King, Jr. Booker, T. Washington, Marcus Garvey, Paul Robeson, Langston Hughes, James Baldwin, Alex Haley Jesse Jackson, Nelson Mandela, Black Panther Party qui seront vénérés par les Dalits.

Cette nouvelle ouverture sur le monde permet de réaliser en 1987, Hyderabad, dans l'Andhra Pradesh, la première conférence des écrivains Dalits indiens. Assisteront à la conférence plus de 700 personnes. Des écrivains militants, des poètes, des activistes, des journalistes, un avocat de la Cour suprême, de nombreux dirigeants, le Dalit Sahitya Akademy,  le Dalit Sahitya Sanghatan, la Dalit Liberation Army et des membres du Dalits Panther (mouvement créé en 1972 par Namdeo Dhasal en hommage au Black Panther), se trouvaient également présents Runoko Rashidi et l'activiste politique Njeri Khan.

Ce grand rassemblement permit de mettre en lumière une unité africaine, une grande famille africaine éparpillée à travers le monde, mais liée par une même histoire. Il consolidera également les prémices du Dalit Libération Movement qui aboutira en 1997 à l'élection du premier président Dalit de l'Inde en la personne de Kocheril Raman Narayanan.